Tordeuse bisannuelle de l'épinette
- Nom commun anglais : Two-year cycle spruce budworm
- Nom scientifique : Choristoneura occidentalis biennis (Freeman)
- Règne : Animalia
- Embranchement : Arthropoda
- Classe : Insecta
- Ordre : Lepidoptera
- Famille : Tortricidae
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Liste partielle des synonymes :
- Choristoneura biennis Freeman
Renseignements généraux et importance
La tordeuse bisannuelle de l'épinette est la seule tordeuse commune se nourrissant de conifères qui vit exclusivement au Canada. On la retrouve dans les forêts de l’Ouest subalpines de haute altitude au nord du 49e parallèle. Comme son nom l'indique, elle diffère des autres tordeuses des bourgeons de l'épinette car il lui faut deux ans pour accomplir son cycle de vie. Au cours de la première saison, de petites larves sortent de l'hibernation, se nourrissent brièvement, puis entrent à nouveau en hibernation. Au cours de la deuxième saison, les larves émergent et achèvent leur maturation en se nourrissant. C'est à ce moment-là que les dommages sont les plus importants. Par conséquent, pendant les infestations, il y a une année « sans » et une année « avec » défoliation, ce qui se traduit également par une alternance d’augmentations normales et réduites dans la largeur des anneaux de croissance annuels des arbres.
Pendant plusieurs années, le cycle de vie distinct et le type de forêt hôte de la tordeuse bisannuelle de l'épinette l'ont fait reconnaître comme une espèce distincte, Choristoneura occidentalis biennis. Cependant, des analyses génomiques indiquent que la tordeuse bisannuelle de l'épinette est étroitement liée à la tordeuse occidentale de l'épinette, C. occidentalis, qui est plus répandue, avec laquelle elle se reproduit. Elle est désormais classée comme une sous-espèce de la tordeuse occidentale de l'épinette. Néanmoins, le cycle de vie de deux ans et les différents écosystèmes forestiers occupés par ces deux tordeuses les rendent plus distinctes sur le plan écologique que, par exemple, la tordeuse des bourgeons de l'épinette (C. fumiferana) et la tordeuse du pin gris (C. pinus), plus éloignées sur le plan génétique, à l'est des montagnes Rocheuses.
Aire de répartition et hôtes
On retrouve la tordeuse bisannuelle de l'épinette dans les forêts d'épinettes d'Engelmann (Picea engelmannii) et de sapins subalpins (Abies lasiocarpa) de haute altitude le long de la cordillère de l’ouest de la Colombie-Britannique et de l'Alberta adjacente, depuis la frontière canadienne avec les États-Unis jusqu'au sud du Yukon. Le sapin subalpin, l'épinette blanche (Picea glauca) et l'épinette d'Engelmann sont les principaux hôtes. L'épinette noire (P. mariana) est un hôte secondaire.
Parties de l'arbre affectées
Bourgeons et aiguilles de l'année en cours, cônes de pollen en développement.
Symptômes et signes
Les œufs de couleur verte sont pondus en rangées superposées sur les aiguilles de l’arbre hôte. La tête sombre de la larve en développement est visible dans chaque œuf fertile juste avant l'éclosion. Les larves des premiers stades ont une tête brun foncé à noire et un corps brun pâle, sans marque distinctive. Les larves au stade final mesurent 25 millimètres de long, leur tête est brun foncé ou noire et leur corps brun foncé. Leur corps est nettement marqué de deux rangées de taches de couleur crème sur chaque segment dorsal. L'envergure des papillons adultes est de 25 à 31 millimètres. La couleur des ailes est gris foncé, avec des marques blanches à grises.
Au cours de la première saison d'alimentation, les petites larves causent peu de dommages aux nouvelles pousses. Au cours de la deuxième année, les signes de l'alimentation de la tordeuse deviennent évidents car les larves forment des abris pour se nourrir avec des toiles de soie et endommagent de nombreuses aiguilles. Au fur et à mesure que les aiguilles meurent, les arbres prennent une apparence rouge brûlée. Après la chute des aiguilles mortes, l'extrémité des branches apparaît grise ou dénudée. Le dépouillement de toutes les aiguilles de la cime des arbres se produit dans les cas graves, lorsque les populations de l'insecte sont importantes.
Cycle de vie
La tordeuse bisannuelle de l'épinette a besoin de deux ans pour produire une génération, de sorte que chaque stade de vie et les dommages associés sont bisannuels. Les œufs sont pondus en rangées superposées de 20 à 50 œufs par masse d'œufs sur les aiguilles de la fin juillet à la mi-août. Les œufs éclosent en 1 à 2 semaines. Les larves de tordeuses nouvellement écloses ne se nourrissent pas. Elles s'installent dans des niches protégées sur les branches et le tronc où elles entrent en diapause (dormance physiologique) et hibernent. Elles émergent vers la fin mai et le début de juin du printemps suivant et retournent à l'extrémité des branches à la recherche de bourgeons frais. Elles se nourrissent pendant quelques semaines seulement, muent une fois, construisent un deuxième site d'hibernation, muent à nouveau pour devenir des larves de quatrième stade et entrent dans une deuxième période de diapause pour le reste de l'été et l'hiver suivant.
Au cours de leur deuxième saison, les tordeuses bisannuelles de l'épinette affichent un comportement typique des tordeuses, construisant un abri pour se nourrir et se développant rapidement pendant les longues journées d'été aux latitudes élevées. Elles effectuent leur pupaison à la fin du mois de juillet et les papillons adultes émergent au bout d'une à deux semaines. La femelle émet une phéromone qui attire les mâles pour qu'ils s'accouplent. Les papillons deviennent actifs au crépuscule. Ils peuvent voler au-dessus du couvert forestier et être transportés sur plusieurs kilomètres par les courants d’air.
Les infestations se produisent dans des peuplements forestiers matures dominés par des hôtes primaires. Les sites secs et les années à fort taux d'évaporation semblent augmenter la vulnérabilité aux infestations. L’analyse des données relatives aux anneaux de croissance des arbres suggère que les infestations se produisent à des intervalles de 30 à 40 ans et durent en moyenne 11 ans, bien qu’il y ait une grande variabilité dans les données disponibles. La similitude de la durée du cycle avec les tordeuses ayant un cycle de vie annuel est inattendue car elle implique que la tordeuse bisannuelle de l'épinette accomplit le même cycle d’infestation en deux fois moins de générations. Les forêts de haute altitude où l'on trouve la tordeuse bisannuelle de l’épinette n'ont que récemment été exploitées commercialement, de sorte que de nombreux peuplements denses avec de grands arbres existent encore et sont vulnérables. Les infestations les plus importantes ont eu lieu dans les forêts centrales de la Colombie-Britannique. Cette zone se compose de peuplements forestiers vulnérables qui sont plus contigus que plus au sud et à l'est de l'aire de répartition de cet insecte.
La plupart des parasitoïdes et des pathogènes associés à d'autres tordeuses des bourgeons de l’épinette peuvent également attaquer à la tordeuse bisannuelle de l’épinette.
Dommages
Il existe peu d'études détaillées sur les répercussions de la tordeuse bisannuelle de l'épinette. Le répit biennal dans les dommages causés par l'alimentation de cet insecte pendant les infestations réduit les répercussions par rapport à la défoliation annuelle infligée par d'autres types de tordeuses. La mortalité des arbres dominants est peu fréquente, et la mortalité des arbres intermédiaires et du sous-étage n'est observée que lorsque la défoliation est grave (plus de 80 % du feuillage). La diminution du taux de croissance annuel des arbres est liée à la gravité de la défoliation. Les arbres se rétablissent une fois l'infestation terminée. Le sapin subalpin est plus touché que l'épinette.
Prévention et répression
Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :
- le niveau de la population du ravageur (c'est-à-dire le nombre de ravageurs présents sur l'hôte ou les hôtes affectés);
- les dommages prévus ou toute autre conséquence négative résultant de l'activité du ravageur sur l'hôte, les biens ou l'environnement;
- la compréhension du cycle de vie du ravageur, de ses divers stades de développement, de même que des divers agents biotiques et non biotiques qui affectent les niveaux de ses populations;
- le nombre de spécimens hôtes individuels touchés (un seul arbre hôte, un petit groupe d’arbres hôtes, une plantation, une forêt);
- la valeur attribuée à l'hôte ou aux hôtes compte tenu des coûts rattachés aux approches de lutte contre le ravageur;
- la prise en considération des diverses approches de lutte de nature sylvicole, mécanique, chimique, biologique et naturelle, de même que de les avantages et désavantages de chacune.
L’acquisition d’information sur chacun de ses facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu'on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.
Compte tenu de l'accessibilité et de l'écologie des forêts subalpines, il existe très peu d'options sylvicoles pour réduire les dommages causés par la tordeuse bisannuelle de l'épinette.
Des programmes de pulvérisation aériennes d'insecticides ont ciblé la tordeuse bisannuelle de l’épinette par le passé, malgré les éléments probants montrant de faibles répercussions de cet insecte sur les forêts touchées. Les priorités de traitement sont fixées en fonction de la gravité des dommages récents et des estimations de la densité de population fondées sur les renseignements fournis par les pièges à phéromones et/ou les échantillons d'œufs. Les insecticides et les phéromones sont définis comme des produits antiparasitaires et sont réglementés au Canada. Les produits homologués pour être utilisés contre la tordeuse bisannuelle de l’épinette dans des situations particulières peuvent changer d'une année à l'autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce ravageur, veuillez consultez la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et dans certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.
Photos
Références sélectionnées
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