Carie rouge du sapin
- Nom de la maladie en anglais : Red heart rot
- Nom de l'agent pathogène : Stereum sanguinolentum (Albertini & Schwein) Fr.
- Règne : Fungi
- Embranchement : Basidiomycota
- Classe : Agaricomycetes
- Ordre : Russulales
- Famille : Stereaceae
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Liste partielle des synonymes :
- Haematostereum sanguinolentum (Alb. & Schwein.) Pouzar
- Stereum balsameum Peck
Renseignements généraux et importance
Stereum sanguinolentum provoque la pourriture du cœur des conifères par des blessures. Il est particulièrement dommageable pour le sapin baumier (Abies balsamea). Le bois atteint d'une pourriture avancée présente une coloration rouge caractéristique, d'où le nom commun de « carie rouge ». Lorsqu'ils sont frais, les organes fructifères de S. sanguinolentum ont une réaction de « saignement » caractéristique lorsqu'ils sont endommagés, devenant rouges et, s'ils sont suffisamment humides, exsudant un liquide rouge. Les pourritures telles que la carie rouge du sapin sont également importantes dans le recyclage naturel du bois tombé et des rémanents dans les forêts de conifères.
Aire de répartition et hôtes
La carie rouge du sapin est présente dans toutes les provinces et tous les territoires forestiers du Canada. Elle est répandue en Amérique du Nord et se rencontre dans les forêts de conifères du monde entier. En Amérique du Nord, les principaux hôtes sont tous les conifères, les espèces à écorce mince étant les plus sensibles, en particulier le sapin (Abies), l'épinette (Picea) et, dans une moindre mesure, le pin (Pinus). Le sapin baumier est le plus sensible, suivi de l'épinette rouge (Picea rubens) dans l'est du Canada. En Colombie-Britannique, elle cause des dommages importants au sapin grandissime (Abies grandis) et au sapin gracieux (A. amabilis). Au Canada, les autres conifères touchés sont le pin tordu, le pin ponderosa, le pin blanc et le pin argenté (respectivement Pinus contorta, P. ponderosa, P. strobus, P. monticola); l'épinette blanche, l'épinette d'Englemann et l'épinette de Sitka (respectivement Picea glauca, P. engelmanii, P. sitchensis); le thuya géant (Thuja plicata); la pruche de l'Ouest et la pruche subalpine (Tsuga heterophylla, T. mertensiana); le douglas vert (Pseudotsuga menziesii); le mélèze de l’Ouest (Larix occidentalis) et le mélèze laricin (L. laricina), ainsi que le sapin subalpin (A. lasiocarpa). Les hôtes secondaires sont moins susceptibles de développer une carie étendue, et sur ces hôtes, le champignon est associé à la décomposition des arbres morts et des rémanents.
Des essences qui ne sont pas des conifères comme le hêtre à grandes feuilles (Fagus grandifolia), l'aulne (Alnus) et l'amélanchier (Amelanchier) ont été signalées comme hôtes au Canada. Sur les hôtes feuillus, les fructifications d'autres espèces, comme Chondrostereum purpureum, qui a une apparence similaire à S. sanguinolentum, sont plus susceptibles d'apparaître. Sur les chênes (Quercus), le S. gausapatum, étroitement apparenté, est commun et limité à ce genre d'hôte.
Parties de l'arbre affectées
Il s'agit principalement de l'aubier des conifères morts et tombés. On le retrouve également sur l'aubier mort exposé aux endroits blessés des arbres vivants.
Symptômes et signes
Les fructifications se développent sur les blessures des arbres vivants, des branches mortes, des souches et sur le dessous des grumes et des rémanents de coupe dans les forêts de conifères récemment récoltées, et rarement sur les grumes de feuillus. La fructification est moins courante sur les hôtes vivants. Les fructifications forment une fine croûte sur l'écorce ou la surface du bois exposée et restent plates sur les grumes tombées et les débris ligneux. Sur les surfaces verticales, un bord de la fructification se soulève souvent et se recourbe pour former un chapeau coriace, étroit et en forme d'étagère, dont la surface supérieure est veloutée et couverte de poils fins. Lorsqu'ils sont présents, les chapeaux sont gris à brun olive pâle, avec de fines zones concentriques. La surface inférieure est ridée, grise à brun clair, et ne produit pas de pores ni de lamelles. Lorsque les fructifications sont fraîches, elles deviennent rouge sang lorsqu'elles sont meurtries, c'est pourquoi on les appelle communément « stérée sanguinolente ».
Le corps fructifère est constitué d'hyphes cloisonnés jaunâtres à hyalins à parois minces et d'hyphes non cloisonnés à parois épaisses. Les basidiospores se développent sur la face inférieure du corps fructifère et sont hyalines, cylindriques, à parois lisses et amyloïdes (réaction bleu foncé observée au microscope après ajout du réactif iodé de Melzer). Les basidiospores sont soit groupées quatre par baside, sur lesquelles elles mesurent en moyenne 7 à 10 micromètres sur 3,0 à 4,5 micromètres, soit deux par baside, auquel cas elles sont plus grandes, mesurant 8 à 14 micromètres sur 3 à 5 micromètres.
Stereum gausapatum (Fr.) Fr. est très similaire en apparence et « saigne », mais sa gamme d'hôtes se limite aux chênes (Quercus). Chondrostereum purpureum (Pers.) Pouzar forme des fructifications similaires sur les rémanents de coupe et les blessures, mais il est plus courant sur les angiospermes, ne saigne pas et ses basidiospores ne sont pas amyloïdes.
Le premier signe de colonisation du bois qui se produit alors que le bois est encore ferme, est une tache jaune pâle, puis brun rougeâtre dans le bois de cœur, qui peut avoir une apparence imbibée d'eau. Le bois de conifère en décomposition avancée est brun clair à brun rougeâtre, mou et se brise facilement, devenant finalement filandreux et fibreux. De minces feutres blancs de mycélium peuvent apparaître dans les fissures de retrait du bois en décomposition avancée. Le champignon décompose à la fois la cellulose et la lignine du bois et est donc classé comme une pourriture blanche, mais les stades avancés de la décomposition sont décolorés en raison des pigments fongiques et des sous-produits de la décomposition.
Cycle de la maladie
La dispersion des spores se produit par temps pluvieux, du début du printemps jusqu'à la fin de l'automne, et se termine avec l'arrivée des températures glaciales. Les basidiospores sont dispersées par le vent à partir des fructifications. Si elles atterrissent sur des matériaux hôtes appropriés, comme des troncs et des branches d'arbres endommagés, elles germent et colonisent le bois exposé lorsque les températures varient entre 7 et 24 °C. Le champignon est avant tout un organisme pionnier et il réussit le mieux si la surface de l'hôte n'est pas déjà colonisée par d'autres organismes. L'infection optimale se produit pendant des périodes prolongées (plusieurs jours) de temps frais et humide. Les blessures telles que celles causées par les opérations d'exploitation forestière, les cicatrices d'élagage, les incendies et les dommages causés par les tempêtes offrent des terrains propices à l'infection. La croissance annuelle de la colonne de pourriture varie selon l'arbre hôte et l'emplacement. Chez les conifères les plus vulnérables de la Colombie-Britannique (sapins et épinettes), la colonne de pourriture progresse de 12 à 13 centimètres par an. Les colonnes de pourriture chez l'épinette de Norvège (P. abies) plantée en Europe peuvent progresser aussi rapidement que 40 centimètres par an.
Dommages
La carie rouge étendue réduit la valeur du bois en raison des taches et de la perte de bois dans les pins, les épinettes et les sapins matures et surannés. Chez les arbres matures, les cimes et les branches cassées résultant des dommages causés par le vent et la neige créent des blessures naturelles où les infections peuvent se déclencher dans la partie supérieure de la canopée et du tronc. Certaines pratiques forestières qui causent de grandes blessures, comme les cicatrices d'exploitation forestière, sont plus susceptibles d'entraîner l'établissement d'infections sur la partie inférieure du tronc et le pied.
Une étude sur la carie rouge a rapporté que la carie du tronc causée par S. sanguinolentum dans les épinettes d'Englemann surannées était en moyenne de 80 pieds-planche (0,189 mètre cube) et que la longueur moyenne de la colonne de carie était de 6,4 mètres. Dans la même étude, S. sanguinolentum a été cultivé à partir de 37 % de troncs de sapins subalpins atteints de carie rouge, la taille moyenne de la pourriture étant de 6,9 pieds-planche (0,016 mètre cube).
Les infections chez les jeunes conifères peuvent entraîner la mortalité des arbres. Les blessures de grande taille sont plus sujettes à s’infecter, mais même les petites blessures de taille de 1 à 3 centimètres de diamètre peuvent entraîner une maladie grave. Une étude a montré que les blessures de taille de plus de 5 centimètres de diamètre sur le pin blanc sont plus sujettes à l’infection que celles de plus petit diamètre. L’infection par les blessure basilaires a été liée à la « maladie de l’écorce marbrée » des jeunes conifères stressés par la sécheresse. Les arbres infectés présentaient des symptômes de résinose au niveau du collet, entraînant la mort de l’arbre.
Prévention et répression
Les espèces à écorce fine comme la pruche de l'Ouest, le sapin et l'épinette sont plus facilement endommagées pendant les opérations de récolte que les espèces à écorce épaisse comme le douglas vert. Dans les peuplements nouvellement ouverts, les tiges des espèces à écorce fine sont sujettes à la brûlure du soleil et les lésions qui en résultent constituent des zones d'infection. Les opérations d'éclaircie doivent être menées avec soin pour minimiser les dommages aux arbres résiduels.
Les espèces à écorce épaisse comme le douglas vert ou le thuya géant qui sont très résistantes à la pourriture sont moins susceptibles d'être endommagées et d'être infectées ultérieurement pendant les opérations de coupe partielle et d'éclaircie. Les blessures qui se produisent en hiver sont plus susceptibles de s'infecter, probablement en raison d'une moindre concurrence d'autres colonisateurs pionniers de blessures qui ont des températures de croissance optimales plus élevées.
Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :
- le niveau de la population du ravageur (c'est-à-dire le nombre de ravageurs présents sur l'hôte ou les hôtes affectés);
- les dommages prévus ou toute autre conséquence négative résultant de l'activité du ravageur et du niveau de sa population sur l'hôte, les biens ou l'environnement;
- la compréhension du cycle de vie du ravageur, de ses divers stades de développement, de même que des divers agents biotiques et non biotiques qui affectent les niveaux de ses populations;
- le nombre de spécimens hôtes individuels touchés (un seul arbre hôte, un petit groupe d’arbres hôtes, une plantation, une forêt);
- la valeur attribuée à l'hôte ou aux hôtes compte tenu des coûts rattachés aux approches de lutte contre le ravageur;
- la prise en considération des diverses approches de lutte de nature sylvicole, mécanique, chimique, biologique et naturelle, de même que de les avantages et désavantages de chacune.
L’acquisition d’information sur chacun de ces facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu’on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.
Photos
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