Sélection de la langue

Recherche


Puceron lanigère de la pruche

Renseignements généraux et importance

Les pucerons du genre Adelges représentent un groupe d’insectes de petite taille (adultes moins de 2 millimètres) dont le corps mou et piriforme s’apparente aux autres pucerons. Ils tirent leur alimentation des conifères de la famille des pinacées (pin [Pinus], épinette [Picea], sapin [Abies], pruche [Tsuga], mélèze [Larix] et douglas vert [Pseudotsuga menziesii]) présents dans les forêts boréales et tempérées de l’Amérique du Nord et de l’Eurasie. Quand ils s’alimentent, leur corps se couvre d’une substance floconneuse blanche cireuse, d’où leur nom de puceron « lanigère ». Plusieurs espèces ont été accidentellement introduites d’Europe et d’Asie en Amérique du Nord où elles sont devenues des ravageurs forestiers.

Les pucerons ont un cycle de vie complexe. Chez certains, le cycle de reproduction peut s’étaler sur deux ans. Dans la première année, les pucerons se reproduisent de manière sexuée sur un hôte primaire (généralement une épinette) avant de se disperser pour se reproduire, dans la deuxième année, de manière asexuée sur un hôte secondaire d’un genre de conifères différent de l’hôte primaire. Après quoi, cette nouvelle génération retourne sur l’hôte primaire pour recommencer le cycle. Il y a aussi un cycle de reproduction d’un an qui n’est qu’asexuée et qui n’a lieu que sur l’hôte secondaire. Ce cycle peut se poursuivre sur plusieurs générations. Les nymphes nouvellement écloses sont dites « mobiles »; souvent, c’est le seul stade actif du cycle de la vie du puceron. Une fois installée dans un emplacement d’alimentation, la nymphe puceron y demeure tout son cycle de vie. À tous les stades du cycle de sa vie, le puceron se nourrit de cette façon : il insère son rostre (stylet) dans les tissus de l’arbre, injecte de la salive puis aspire la nourriture. Sur les hôtes primaires, l’activité d’alimentation induit la formation de galles. Sur les hôtes secondaires, elle provoque la déformation et la perte éventuelle des aiguilles, des rameaux et/ou des tiges à proximité du site d’alimentation. Dans tous les cas, l’alimentation des pucerons nuit au bon fonctionnement de l’arbre.

Le puceron lanigère de la pruche est originaire de l’est de l’Asie et forme une lignée distincte dans l’ouest de l’Amérique du Nord. Dans ses aires de répartition indigènes, il a peu d’impact sur les espèces locales de pruches. Cependant, après s’être introduit en Virginie, aux États-Unis, probablement dans les années 1920, il a envahi une grande partie des forêts de pruche dans l’est des États-Unis. De plus, on a récemment détecté l’insecte en Nouvelle-Écosse et en Ontario. Dans ces aires d’introduction, l’insecte a provoqué une mortalité généralisée de la pruche du Canada (Tsuga canadensis) et de la pruche de la Caroline (T. caroliniana) de tous âges, entraînant d’importantes répercussions sur les écosystèmes forestiers et fluviaux.

Aire de répartition et hôtes

En Asie de l’Est, l’épinette à queue de tigre (Picea torano) est l’hôte principal du puceron lanigère de la pruche, et plusieurs espèces de pruches asiatiques, dont Tsuga diversifolia et T. sieboldii, lui servent d’hôtes secondaires. En Amérique du Nord, cette souche asiatique de l’insecte a envahi les forêts de l’est du continent, depuis le Tennessee, se déplaçant vers le nord jusqu’au Maine et à l’Ontario, vers l’ouest jusqu’au Michigan et vers l’est jusqu’à la Nouvelle-Écosse. Dans cette aire d’introduction, l’absence d’épinette comme hôte principal convenable fait en sorte que le puceron lanigère de la pruche achève son cycle de vie sur la pruche du Canada et la pruche de la Caroline. Dans l’ouest de l’Amérique du Nord, le puceron lanigère de la pruche n’a que des hôtes secondaires, soit la pruche de l’Ouest (T. heterophylla) et la pruche subalpine (T. mertensiana).

Parties de l'arbre affectées

Le puceron lanigère de la pruche se nourrit principalement des nouvelles pousses de l’arbre hôte. Lorsque qu’il n’en trouve pas, il peut se également se nourrir de ses pousses et rameaux plus vieux. À tous les stades de sa vie, l’insecte s’alimente en insérant ses pièces buccales dans l’arbre, généralement avant que la nouvelle pousse ne soit complètement formée.

Symptômes et signes

Le puceron lanigère de la pruche adulte est minuscule (1,4 millimètres), ce qui le rend difficile à observer à l’œil nu, malgré qu’ils soient recouverts d’une couche blanche « laineuse ». Sur le site d’alimentation, l’adulte de génération parentale pond ses œufs (moins de 0,4 millimètres) dans un ovisac blanc et cireux. Les larves mobiles sont brun rougeâtre. Au stade où elles se fixent à la face inférieure des rameaux, elles sont noires et présentent une frange blanche autour du corps. Les stades nymphaux ultérieurs sont plus faciles à observer en raison de la couche cireuse qui recouvre l’insecte.

Toutefois, il est plus facile de détecter sur un arbre les signes physiques d’alimentation du puceron que le puceron lui-même. Sur un hôte où des pucerons ont pénétré leurs pièces buccales et injecté leur salive dans les pousses, il est en effet possible d’observer un dessèchement, une décoloration et une perte des aiguilles ainsi qu’une déformation des pousses situées près du site d’alimentation.

Cycle de vie

Dans son aire de répartition indigène d’Asie, le puceron lanigère de la pruche a un cycle de vie de deux ans, durant lequel il passe d’un stade où il se reproduit par voie sexuée sur l’hôte principal, soit l’épinette, à un stade où il se reproduit par voie asexuée sur hôte secondaire, soit la pruche. Dans son aire de répartition indigène de l’ouest de l’Amérique du Nord, les espèces d’épinettes ne conviennent pas comme hôtes principales, de sorte que l’insecte se reproduit de manière asexuée exclusivement sur la pruche de l’Ouest et la pruche subalpine.

Dans l’est de l’Amérique du Nord, les espèces d’épinettes indigènes ne conviennent pas à la reproduction sexuée du puceron lanigère de la pruche introduit dans cette région. Par conséquent, le cycle de vie de l’insecte compte deux générations asexuées par parthénogenèse par an. Les pucerons de la première génération (sistens) émergent des œufs en juin et se dispersent dans l’arbre vers les sites d’alimentation, où ils entrent en dormance estivale (estivation) et y demeurent jusqu’à l’automne. Les nymphes reprennent leur développement en octobre, au cours duquel elles passent par quatre stades. Elles atteignent le stade adulte en février dans les États du centre du littoral atlantique, et en avril, plus au nord en Nouvelle-Écosse. La femelle adulte est la plus grande (1,4 millimètres) et la plus foncée des deux générations. La ponte des œufs de la deuxième génération (progrediens) a lieu d’avril à la fin mai, selon les endroits. Les nymphes qui éclosent de ces œufs se dispersent et s’installent sur les rameaux près de la base des aiguilles. Toutefois, cette génération n’entre pas en dormance et se développe rapidement. Elle atteint le stade adulte en quatre à six semaines et commence à pondre en juin. Ces adultes sont plus petits (0,9 millimètres) et de couleur plus claire que leurs parents. Cette deuxième génération produit certaines formes sexuelles ailées qui, en Amérique du Nord, meurent sans se reproduire à défaut de trouver des arbres hôtes convenables.

Dommages

Dans l’est de l’Amérique du Nord, les pruches du Canada et de la Caroline sont particulièrement vulnérables au puceron lanigère de la pruche. En effet, la lignée introduite dans cette région s’attaque aux nouvelles pousses, contrairement à la lignée occidentale qui se nourrit de rameaux plus âgés. Lorsqu’il se nourrit, le puceron épuise les réserves de la plante et interfère avec la photosynthèse et la translocation des nutriments et de l’eau. Les composés salivaires qu’il injecte entravent la croissance normale de l’arbre et, par conséquent, les fonctions de celui-ci. Sur l’arbre attaqué, on observera donc une perte initiale de nouvelles pousses, suivie d’une perte de vieilles aiguilles, puis d’un dépérissement des branches et d’une décoloration du feuillage. La mort de l’arbre peut survenir en l’espace de trois ans, en fonction de la présence d’humidité et d’autres facteurs liés au site. Dans les régions nordiques et de haute altitude, les arbres hôtes peuvent bénéficier d’un certain répit lorsque les hivers froids entraînent une forte mortalité chez les pucerons de la génération sistens. Cependant, la reproduction de la génération progrediens au printemps suivant peut pallier cette mortalité hivernale et ainsi rétablir rapidement la densité de la population du puceron.

Aujourd’hui, dans l’est de l’Amérique du Nord, la pruche est une espèce commerciale moins importante que par le passé. Cependant, là où elle demeure abondante, on la considère comme une espèce fondatrice essentielle à la structure forestière et au fonctionnement de l’écosystème. Dans les zones riveraines où elle est présente, la pruche fournit de l’ombre aux cours d’eau et au sol de la forêt, ce qui influe sur le cycle du carbone et des nutriments et procure un habitat faunique essentiel. Lorsqu’elle disparait d’une zone, la pruche ne se rétablit pas de manière naturelle et est souvent remplacée par des espèces de feuillus, lesquelles n’ont pas la même fonction écologique.

Prévention et répression

Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :

L’acquisition d’information sur chacun de ces facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu’on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.

Depuis 1992, il existe aux États-Unis un programme qui importe et relâche des ennemis naturels à des fins de lutte biologique. Étant donné l’absence de parasitoïde connu associé aux pucerons, cette lutte a donc mis l’accent sur les prédateurs et les agents pathogènes. Certains coléoptères et mouches prédateurs provenant de l’aire de répartition naturelle de l’insecte ont donné les résultats les plus prometteurs.

Le puceron lanigère de la pruche fait l’objet d’une réglementation par les agences gouvernementales des États-Unis et du Canada, qui considèrent l’insecte comme une espèce envahissante. Cette réglementation comprend la définition de zones réglementées où la présence du puceron est attestée ainsi que les restrictions liées au déplacement de feuillage, de produits de pépinière et de bois de chauffage qui provient des zones infestées.

La lutte contre le puceron lanigère de la pruche comporte son lot de défis. Bien que les insecticides foliaires puissent être efficaces contre les populations qui s’attaquent aux petits arbres de pépinière, ils conviennent moins aux grands arbres ou aux forêts naturelles. Le recours à des insecticides systémiques, injectés dans l’arbre ou pulvérisés sur son tronc avant d’être absorbés par l’écorce, est courant aux États-Unis. Toutefois, malgré l’efficacité de ces produits, leur coût et la tolérance environnementale de leur ingrédient actif peuvent limiter leur utilisation.

La manipulation sylvicole des peuplements de pruche est une technique de lutte qui s’est révélée prometteuse. Le croisement de pruches nord-américaine, vulnérable aux attaques du puceron, avec la pruche chinoise (Tsuga chinensis), qui démontre une plus grande résistance à l’insecte, n’a pas été couronné de succès. Certains peuplements de pruche du Canada ont montré une résistance partielle face au puceron lanigère de la pruche; par conséquent, leur matériel génétique a été incorporé dans des programmes de sélection. D’un bout à l’autre de l’aire de répartition de la pruche, on a créé des banques de semences d’arbres indigènes à des fins de conservation de la variabilité génétique de l’espèce.

Les pesticides homologués utilisés contre le puceron lanigère de la pruche dans des cas particuliers peuvent changer d’une année à l’autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce ravageur, veuillez consulter la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et dans certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.

Photos

Rameau de pruche infesté par le puceron lanigère de la pruche.
Puceron lanigère de la pruche adulte dont la cire a été retirée.
Puceron lanigère de la pruche adulte et œufs dans un ovisac.
Pruche avec une couronne jaunie qui présente peu ou pas de nouvelle croissance indiquant une grave infestation par le puceron lanigère de la pruche.
Pruche avec une couronne fortement éclaircie indiquant une grave infestation par le puceron lanigère de la pruche.

Références sélectionnées

Agence canadienne d’inspection des aliments. 2020. D-07-05 : Exigences phytosanitaires visant à prévenir l’introduction et la propagation du puceron lanigère de la pruche (Adelges tsugae Annand) à partir des États-Unis et au Canada. 5e révision. https://inspection.canada.ca/protection-des-vegetaux/especes-envahissantes/directives/produits-forestiers/d-07-05/fra/1323754212918/1323754664992

Emilson, C.; Bullas-Appleton, E.; McPhee, D.; Ryan, K.; Stastny, M.; Whitmore, M. et MacQuarrie, C.J.K. 2018. Hemlock woolly adelgid management plan for Canada. Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie des Grands Lacs. Sault Ste. Marie, Ontario. Rapport d’information GLC-X-21. 31 p.

Havill, N.P.; Montgomery, M.E. et Keena, M. 2011. Chapter 1: Hemlock woolly adelgid and its hemlock hosts: a global perspective. Pages 3-14 dans B. Onken et R. Reardon, éditeurs. Implementation and status of biological control of the hemlock woolly adelgid. États-Unis. Department of Agriculture, Forest Service, Forest Health Technology Enterprise Team. Morgantown, West Virginia. FHTET-2011-04.

Havill, N.P.; Montgomery, M.E.; Yu, G.; Shigehiko, S. et Caccone, A. 2006. Mitochondrial DNA from hemlock woolly adelgid (Hemiptera: Adelgidae) suggests cryptic speciation and pinpoints the source of the introduction to eastern North America. Annals of the Entomological Society of America, 99(2), 195-203. https://doi.org/10.1603/0013-8746(2006)099[0195:MDFHWA]2.0.CO;2

Havill, N.P.; Vieira, L.C. et Salom, S.M. 2014. Biology and control of hemlock woolly adelgid. U.S. Department of Agriculture, Forest Service, Forest Health Technology Enterprise Team. Morgantown, West Virginia. FHTET-2014-05. 21 p.

Limbu, S.; Keena, M.A. et Whitmore, M.C. 2018. Hemlock woolly adelgid (Hemiptera: Adelgidae): a non-native pest of hemlocks in eastern North America. Journal of Integrated Pest Management, 9(1), 1-16. https://doi.org/10.1093/jipm/pmy018

MacQuarrie, C.J.K.; Gray, M.; Bullas-Appleton, E.; Kimoto, T.; Mielewczyk, N.; Neville, R.; Ogden, J.B.; Fidgen, J.G. et Turgeon, J.J. 2025. The distribution of the hemlock woolly adelgid (Hemiptera: Adelgidae) in Canada. The Canadian Entomologist. 157(11): 1–20. https://dx.doi.org/10.4039/tce.2025.2

McAvoy, T.J.; Régnière, J.; St-Amant, R.; Schneeberger, N.F. et Salom, S.M. 2017. Mortality and recovery of hemlock woolly adelgid (Adelges tsugae) in response to winter temperatures and predictions for the future. Forests, 8(12), 497. https://doi.org/10.3390/f8120497

Oten, K.L.F.; Merkle, S.A.; Jetton, R.M.; Smith, B.C.; Talley, M.E. et Hain, F.P. 2014. Understanding and developing resistance in hemlocks to the hemlock woolly adelgid. Southeastern Naturalist, 13(6), 147-167. https://doi.org/10.1656/058.013.s610

Spaulding, H.L. et Rieske, L.K. 2010. The aftermath of an invasion: structure and composition of central Appalachian hemlock forests following establishment of the hemlock woolly adelgid, Adelges tsugae. Biological Invasions, 12, 3135-3143. https://doi.org/10.1007/s10530-010-9704-0

Zilahi-Balogh, G.M.G.; Humble, L.M.; Lamb, A.B.; Salom, S.M. et Kok, L.T. 2003. Seasonal abundance and synchrony between Laricobius nigrinus (Coleoptera: Derodontidae) and its prey, the hemlock woolly adelgid (Hemiptera: Adelgidae). The Canadian Entomologist, 135(1), 103-115. https://doi.org/10.4039/n02-059

Citer cette fiche

Nealis, V.G. 2024. Puceron lanigère de la pruche. Dans J.P. Brandt, B.I. Daigle, J.-L. St-Germain, A.C. Skinner, B.C. Callan et V.G. Nealis, éditeurs. Arbres, insectes, acariens et maladies des forêts du Canada. Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Administration centrale. Ottawa, Ontario.