Chancre nectrien
- Nom de la maladie en anglais : Nectria canker
- Autres noms de la maladie : Chancre européen, chancre européen du pommier, chancre des arbres fruitiers à pépins
- Nom de l'agent pathogène : Neonectria ditissima (Tul. & C. Tul.) Samuels & Rossman
- Règne : Fungi
- Embranchement : Ascomycota
- Classe : Sordariomycetes
- Ordre : Hypocreales
- Famille : Nectriaceae
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Liste partielle des synonymes :
- Cylindrocarpon heteronema (Berk. & Broome) Wollenweb
- Dialonectria galligena (Bres.) Petch
- Nectria ditissima Tul & C. Tul
- Nectria galligena Bres.
- Neonectria galligena (Bres.) Rossman & Samuels
Renseignements généraux et importance
Le chancre nectrien est une maladie fongique courante dans les forêts de feuillus de l'Est et se manifeste sur une variété d'espèces hôtes. Il s'agit également d'une maladie importante dans les vergers de pommiers et sur les espèces d'arbres ornementaux vulnérables.
Dans les forêts, la plupart des pertes concernent les jeunes arbres, car les chancres affectent généralement la majeure partie de la circonférence des tiges principales infectées. Bien que les arbres plus âgés puissent également être infectés, les chancres sont généralement limités aux branches, qui peuvent être tuées en fonction de la taille du chancre. L'impact sur l'ensemble de la couronne est minime. Lors de tempêtes de vent, des ruptures de tiges peuvent se produire au niveau des plus vieux et des plus gros chancres.
Les champignons pathogènes Neonectria ditissima et Neonectria faginata, associés à deux cochenilles, Cryptococcus fagisuga (cochenille du hêtre) et Xylococculus betulae (cochenille filamenteuse), sont responsables de la maladie corticale du hêtre (traitée séparément dans la base de données). La cochenille du hêtre a été détectée pour la première fois à Halifax sur un hêtre européen (Fagus sylvatica) vers 1890. La maladie corticale du hêtre a été signalée pour la première fois en Nouvelle-Écosse en 1930. Cette dernière maladie s'est répandue dans l'aire de répartition du hêtre à grandes feuilles (F. grandifolia) en raison de la propagation de la cochenille du hêtre, une espèce non indigène originaire de la région de la mer Noire en Europe.
Aire de répartition et hôtes
Le chancre nectrien est commun dans les forêts de feuillus tempérées de l'est du Canada. Il est rare dans l'ouest du Canada. Le champignon responsable du chancre nectrien s'attaque à une grande variété d’arbres feuillus des forêts tempérées, tels que l'érable (Acer), l'aulne (Alnus), le bouleau (Betula), l'aubépine (Crataegus), le hêtre (Fagus), le frêne (Fraxinus), le noyer (Juglans), l’ostryer (Ostrya), le peuplier (Populus), le chêne (Quercus), le saule (Salix), le tilleul (Tilia), et l'orme (Ulmus). Il s'attaque également aux arbres fruitiers (pommiers [Malus] et poiriers [Pyrus]) et à plusieurs arbustes, tels que le groseillier (Ribes) et le houx (Ilex).
Des recherches indiquent qu'en général, le chancre nectrien est plus grave dans les climats tempérés plus humides. Cela pourrait expliquer la faible incidence de cette maladie dans les provinces des Prairies, plus sèches.
La maladie est présente dans de nombreuses régions du monde où les conditions de température et d'humidité sont adéquates.
Parties de l'arbre affectées
Symptômes et signes
Le premier symptôme d'une attaque fongique est la présence de petites zones sombres et enfoncées sur l'écorce des jeunes arbres, souvent associées à des cicatrices de bourgeons ou de feuilles, à des rameaux ou des bouts de branches, ou à des blessures antérieures. Ces petits chancres ne sont pas faciles à détecter sans un examen minutieux de l'hôte.
Une fois établi dans l'hôte, le champignon est pérenne.
Les vieux chancres sont dépourvus d'écorce et le bois exposé forme des crêtes de cals concentriques, qui ressemblent souvent à une « cible ». Un bout de branche ou un nœud est souvent visible au milieu de ces chancres « cibles ».
L'état sexué du champignon produit de petits périthèces ovoïdes (organes de fructification de moins de 0,5 millimètres de diamètre), rouge orangé à rouge foncé, qui se trouvent généralement en groupes allant jusqu'à 30 sur l'écorce morte au bord du chancre. Les périthèces produisent des ascospores microscopiques. Les ascospores sont ellipsoïdes à fusiformes, avec des extrémités étroitement arrondies, hyalines (transparentes ou incolores), munies d’un septum, souvent légèrement rétrécies au niveau du septum, lisses à très finement spinuleuses (petites épines), et d'une taille d'environ 16,9 micromètres sur 7,4 micromètres.
L'état asexué produit des sporodochies, qui sont de petits corps fructifères blancs en forme de coussin qui produisent des conidies (spores). Les conidies microscopiques sont cylindriques, avec des extrémités arrondies, droites ou légèrement incurvées, sont munies de 5-6 septums, et mesurent environ 75,9 micromètres sur 7,1 micromètres. Les périthèces rouges sont généralement plus visibles que les sporodochies blanches.
Deux autres espèces de Neonectria sont couramment rencontrées au Canada. Ces espèces sont :
- Neonectria faginata, indigène sur le hêtre dans l'est de l'Amérique du Nord (également liée à la maladie corticale du hêtre); et
- Neonectria coccinea, introduite (également sur le hêtre dans l'est du Canada et aux États-Unis, mais originaire d'Europe).
Le champignon indigène étroitement apparenté, Nectria cinnabarina, est plus communément associé au dépérissement des couronnes de plusieurs espèces de feuillus et a une distribution mondiale.
Cycle de la maladie
Le champignon passe l'hiver sous forme de périthèces ou de mycélium dans les chancres des tiges, des rameaux ou des branches. Neonectria produit deux types de fructifications qui, dans des conditions météorologiques favorables, peuvent se produire simultanément. Ces deux types sont :
- asexués, qui apparaissent sous la forme de sporodochies blanches situées dans les crevasses de l'écorce récemment tuée des jeunes chancres; et
- sexués, qui apparaissent sous la forme de grappes de périthèces ovoïdes rouge orangé à rouge foncé qui se développent au cours de la deuxième année après la formation du chancre et dans les infections plus anciennes.
Les périthèces se forment sur l'écorce adjacente au chancre pendant ou peu après un temps humide. Les ascospores qu'ils produisent jouent un rôle plus important dans la propagation de la maladie que les conidies. Les ascospores sont disséminées par temps humide sous l'effet des éclaboussures de pluie et du vent. Ces ascospores dispersées provoquent de nouvelles infections sur les cicatrices des bourgeons ou des feuilles, sur les rameaux ou les bouts de branches et sur d'autres blessures de l'arbre. Les nouvelles infections se produisent souvent sur les jeunes arbres. Les ascospores germent et le champignon colonise l'écorce et la surface du bois.
Les chancres nectriens se développent lentement, surtout pendant les périodes de croissance de l'hôte au printemps et en été. Lorsque la croissance de l'arbre ralentit à la fin de l'été et à l'automne, ou dans des conditions de stress, le champignon progresse dans les tissus sains en libérant des toxines qui tuent les tissus de l'hôte avant la colonisation. Au printemps, lorsque la croissance de l'arbre reprend, l'hôte développe un tissu calleux pour tenter de sceller la plaie, avant d'être tué à nouveau plus tard dans la saison. Le cycle se répète chaque année, entraînant l'apparition de crêtes successives de tissu calleux ayant la forme générale d'une cible.
Les chancres nectriens atteignent la plus forte production de spores à des températures comprises entre 10 et 16 °C. La germination optimale des spores se produit entre 20 et 25 °C, avec une limite inférieure de 1 °C et une limite supérieure de 30 °C. L'humidité est essentielle à l'infection. L'humidité de surface minimale pour les infections de cicatrices foliaires est de 24 heures à 10 °C, 10 heures à 15 °C, et seulement 2 heures à 20 °C.
Dommages
Les arbres affaiblis ou stressés par d'autres facteurs tels que le gel, la sécheresse, les blessures ou les ravageurs sont sensibles au chancre nectrien.
Les arbres dont les chancres plus anciens affectent la majeure partie de la circonférence de la tige sont vulnérables aux dommages causés par le vent.
Le pourrissement est rarement un problème à l'intérieur des chancres, sauf pour le bouleau et l'aulne.
Ce pathogène est considéré comme la maladie des tiges la plus dommageable pour le bouleau. Il s'agit également d'une maladie destructrice dans la production de pommes, où la lutte est souvent justifiée pour éviter de graves conséquences économiques.
Comme indiqué précédemment, les champignons pathogènes Neonectria ditissima et Neonectria faginata, ainsi que deux cochenilles, Cryptococcus fagisuga (cochenille du hêtre) et Xylococculus betulae, interagissent ensemble pour provoquer la maladie corticale du hêtre. Cette dernière est l'une des maladies forestières les plus importantes dans l'est de l'Amérique du Nord en termes d'étendue temporelle et spatiale, ainsi que de répercussions négatives sur son hôte, le hêtre à grandes feuilles.
Prévention et répression
Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :
- le niveau de la population du ravageur (c'est-à-dire le nombre de ravageurs présents sur l'hôte ou les hôtes affectés);
- les dommages prévus ou toute autre conséquence négative résultant de l'activité du ravageur et du niveau de sa population sur l'hôte, les biens ou l'environnement;
- la compréhension du cycle de vie du ravageur, de ses divers stades de développement, de même que des divers agents biotiques et non biotiques qui affectent les niveaux de ses populations;
- le nombre de spécimens hôtes individuels touchés (un seul arbre hôte, un petit groupe d’arbres hôtes, une plantation, une forêt);
- la valeur attribuée à l'hôte ou aux hôtes compte tenu des coûts rattachés aux approches de lutte contre le ravageur;
- la prise en considération des diverses approches de lutte de nature sylvicole, mécanique, chimique, biologique et naturelle, de même que de les avantages et désavantages de chacune.
L’acquisition d’information sur chacun de ses facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu'on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.
Le chancre nectrien ne peut pas être contrôlé dans les forêts. Le maintien d'arbres sains et vigoureux permet toutefois de minimiser les pertes. Il est utile d'éclaircir les peuplements trop denses ou d'effectuer des coupes d'amélioration pour maintenir les peuplements à une densité optimale, en veillant tout particulièrement à éliminer les arbres atteints de chancres lors de ces coupes.
Le maintien de la santé et de la vigueur des arbres est également important pour les arbres d'ornement. Il est utile de maintenir les arbres bien arrosés et de les fertiliser occasionnellement. Les arbres ne doivent pas être élagués pendant les périodes humides ou au printemps (lorsque le temps est généralement plus humide). Les outils de taille devraient être désinfectés avant de tailler le prochain arbre hôte infecté. La protection des arbres contre les blessures mécaniques afin d'éviter les points potentiels d'infection de la maladie est également une bonne pratique.
Dans les vergers de pommiers, une surveillance attentive et une taille rigoureuse par temps sec (pour minimiser les nouvelles infections) peuvent contrôler la quantité d'inoculum disponible. L'application d'un fongicide de protection après la taille peut réduire l'exposition à l'infection.
Les pesticides homologués pour être utilisés contre Neonectria ditissima dans des situations particulières peuvent changer d'une année à l'autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce pathogène, veuillez consultez la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et dans certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.
Photos
Branche d'érable de Norvège tuée par un chancre causé par le champignon Neonectria ditissima.
André Carpentier
Gonflement du cal au bord d'un chancre causé par Neonectria ditissima sur l'érable à sucre.
André Carpentier
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