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Rouille des aiguilles de l'épinette et du thé du Labrador

Renseignements généraux et importance

Chrysomyxa ledicola est le champignon causant la rouille des aiguilles de l'épinette qui est la plus commune et la plus destructrice en Amérique du Nord. La rouille provoque une décoloration jaune et la mort prématurée des aiguilles de l'épinette (Picea). Elle provoque également des lésions et produit d'abondantes spores sur la surface inférieure des feuilles de son hôte alternatif, le thé du Labrador (Rhododendron sous-section Ledum, anciennement Ledum).

Aire de répartition et hôtes

Endémique de l'Amérique du Nord, Chrysomyxa ledicola se trouve partout où ses hôtes, le thé du Labrador, sont présents. Au Canada, on le trouve dans chaque province et territoire, et son aire de répartition s'étend jusqu'à la limite des arbres. Aux États-Unis, on le trouve dans les États du nord-est, du centre et du nord-ouest (y compris l'Alaska). On le trouve également au Groenland. Au Japon et en Russie, il n'est présent que sur les rhododendrons.

Sur les conifères, la rouille est spécifique à l'épinette. Au Canada, elle infecte l'épinette d'Engelmann (P. engelmannii), l'épinette blanche (P. glauca), l'épinette noire (P. mariana), l'épinette rouge (P. rubens) et l'épinette de Sitka (P. sitchensis). Elle est également présente sur l'épinette bleu (P. pungens) aux États-Unis (où cet arbre pousse naturellement) et au Canada (où il est largement planté comme plante ornementale).

La rouille provoque des taches foliaires sur ses hôtes alternatifs, des espèces de thé du Labrador, qui font partie du genre Rhododendron, sous-section Ledum. Le thé du Labrador est un petit arbuste aux feuilles persistantes, commun dans les tourbières et les tourbières oligotrophes. Au Canada et ailleurs en Amérique du Nord, les hôtes alternatifs comprennent le thé du Labrador (R. groenlandicum, anciennement Ledum groenlandicum), le thé du Labrador de l'ouest (R. neoglandulosum, anciennement L. glandulosum) et le thé du Labrador des marais (R. tomentosum ssp. decumbens, anciennement L. decumbens). En Eurasie, les arbustes à fleurs R. calostrotum et R. griersonianum sont également des hôtes.

Parties de l'arbre affectées

Sur le thé du Labrador : feuilles et parfois tiges florales et capsules de graines.

Sur l’épinette : aiguilles de l'année en cours et parfois écailles de cônes.

Symptômes et signes

Les arbres infectés ont un feuillage ayant une teinte jaune-orange. Dans les zones où de nombreux arbres sont fortement infectés, les spores de rouille rejetées s'accumulent sous forme de poussière orange sur les plantes du sous-étage forestier. Cela laisse aussi généralement une couche mince de couleur orange sur les rives des plans d’eau à proximité. Les infections individuelles sur les aiguilles d’épinette sont d’abord évidentes sous la forme de fines bandes jaunes sur toute la largeur des aiguilles qui autrement, sont vertes. Les infections avancées entraînent le jaunissement d’aiguilles entières. Les spermogonies sont nombreuses et produites sur toutes les surfaces des aiguilles d'épinette infectées. Elles sont présentes sur tous les hôtes épinettes, à l'exception de l'épinette de Sitka. Elles sont globuleuses et mesurent 100 à 200 micromètres de large sur 90 à 150 micromètres de haut. Elles sont visibles sous forme de petits points à l’aide d’une loupe. Elles sont pâles au début et s'assombrissent jusqu'à une couleur brun rougeâtre à noire une fois secs. Les spermaties (spores produites dans les spermogonies) sont incolores et mesurent de 2 à 4 micromètres de long sur 1,6 à 3,3 micromètres de large. Les écidies sont produites de tous les côtés des aiguilles de l'épinette et émergent à travers l'épiderme, formant des cloques pouvant atteindre 4 millimètres de long. Ils sont recouverts d'une fine couche de tissu incolore (péridium) qui s'use rapidement, laissant une petite frange autour de la masse d’écidiospores à l'intérieur. Les écidiospores sont orange, se retrouvent en masses, sont globuleuses à subglobuleuses et parfois allongées. Elles mesurent 23 à 60 micromètres de long sur 18 à 54 micromètres de large. Des spores plus grosses sont plus courantes dans les échantillons prélevés dans l'ouest du Canada. Elles ont des parois cellulaires très épaisses (jusqu'à 2,5 micromètres), recouvertes de grosses verrues en forme d'étoile en surface. L'épaisseur combinée de la paroi des spores et des verrues varie de 1,6 à 5,7 micromètres. Des écidies et des spermogonies sont aussi occasionnellement produites sur des écailles de cônes.

Sur le thé du Labrador, les urédinies et les télies se développent en taches rougeâtres irrégulières sur la face supérieure des feuilles âgées d'un an (ou plus). Elles se développent rarement sur la nervure médiane de la face inférieure des feuilles. Sur les plantes présentes sur la côte ouest du Canada, elles se développent aussi occasionnellement sur les tiges florales et les capsules de graines. Les urédinies sont rondes et mesurent 0,2 à 0,6 micromètres de large. Elles sont soit uniques et dispersés ou elles se forment en groupes circulaires, éclatant à travers l'épiderme de l'hôte. Les urédiospores qu'elles produisent sont globuleuses à ovoïdes ou ellipsoïdales, parfois avec une indentation longitudinale peu profonde ornée de verrues. Elles mesurent 21 à 44 micromètres de long par 14 à 37 micromètres de large. Les télies projettent leurs spores à travers l'épiderme de l'hôte. Elles sont gélatineuses au début, puis deviennent croûteuses et de couleur orange à brun rougeâtre. Les téliospores sont produites en chaînes. Elles sont de forme cubique à oblongue et mesurent 18 à 24 micromètres par 12 à 16 micromètres. Les téliospores produisent des basidiospores incolores à parois lisses, rondes à légèrement piriforme et mesurant 7,5 à 12 micromètres par 6,5 à 11 micromètres.

Chrysomyxa empetri, une espèce étroitement apparentée, a un hôte urédial/télial différent (camarine noire, Empetrum nigrum) mais produit également des écidies sur les aiguilles d'épinette. Les écidies de C. empetri ressemblent davantage à des langues et mesurent jusqu'à 1,4 millimètres de haut, avec un péridium plus dur et plus persistant. Leurs écidiospores sont plutôt ovoïdes à ellipsoïdes, mesurant 27 à 50 (jusqu'à 60) micromètres de long par 16 à 37 micromètres de large. Ils ont des parois cellulaires beaucoup plus fines, de minuscules verrues et des zones lisses aux deux extrémités. Deux autres espèces de Chrysomyxa, C. nagohidii et C. neoglandulosi, sont également présentes sur le thé du Labrador, mais produisent des spores beaucoup plus petites sur tous leurs hôtes.

Cycle de la maladie

Chrysomyxa ledicola est un agent pathogène obligatoire (nécessite un hôte vivant pour croître et se reproduire). Il est macrocyclique (comprend cinq types de spores différents : spermaties, écidiospores, urédiospores, téliospores et basidiospores) et hétéroïque (nécessite une alternance entre deux espèces hôtes non apparentées à différents stades de son cycle de vie pour le compléter). Les spermogonies et les écidies développent et produisent des spermaties et des écidiospores sur l'épinette. Les urédinies, les télies et les basides se développent et produisent des urédiospores, des téliospores et des basidiospores sur le thé du Labrador ou le rhododendron. À l'exception des urédiospores, qui sont produites et réinfectent le thé du Labrador, les autres stades de spores ne sont pas infectieux pour l'hôte sur lequel elles sont produites; elles ne peuvent infecter que l'hôte alternatif.

Au début du printemps, les télies se développent à partir du mycélium présent dans les taches foliaires ayant hiverné sur le thé du Labrador. Elles produisent des téliospores, qui germent pour produire des basides et des basidiospores au moment où de nouvelles aiguilles d'épinette émergent des bourgeons. Les basidiospores, qui sont transportées par le vent, se posent sur les jeunes aiguilles d'épinette à proximité, germent et infectent le conifère hôte. Une fois les télies produits, les urédinies commencent à se développer, libérant des urédiospores qui sont transportées par le vent et se posent sur les plants de thé du Labrador adjacents et les infectent. Ces infections ne deviennent visibles sous forme de nouvelles taches foliaires qu’à l’automne. Au milieu de l'été, dans les régions du nord, les feuilles infectées qui portent la production récente d'urédinies et de télies tombent. Les nouvelles taches qui apparaissent à l'automne ne commencent à produire des urédinies qu'au printemps suivant, sauf dans les régions côtières ou plus au sud où les étés plus longs peuvent entraîner de nouvelles urédinies et des infections répétées au cours de la même saison de croissance. La rouille peut persister de manière pérenne sur son hôte, le thé du Labrador, en l'absence d'épinette hôte, en raison du mycélium hivernant dans les taches foliaires.

Les aiguilles d'épinette de l'année en cours sont le seul feuillage vulnérable aux nouvelles infections causées par les basidiospores produites sur le thé du Labrador. Les basidiospores germent sur la jeune aiguille tendre, et le mycélium de la rouille la colonise et produit des spermogonies dispersées le long des lignes stomatiques. Les spermaties sont extrudées des spermogonies dans un liquide sucré qui attire les insectes. Cela provoque la propagation des spermaties vers d’autres spermogonies et facilite la recombinaison sexuelle. Les écidies se développent à la fin du printemps. Au cours de l'été, ils libèrent des écidiospores qui sont transportées par le vent et infectent les plants de thé du Labrador à proximité. Les symptômes du jaunissement des aiguilles commencent à apparaître au milieu de l’été. Les aiguilles infectées tombent prématurément l’année suivante.

Dommages

La rouille des aiguilles de l'épinette et du thé du Labrador provoque une défoliation prématurée et, en de rares occasions, la rouille des cônes de l'épinette. Elle provoque également des taches sur les feuilles du thé du Labrador et des rhododendrons ornementaux. Elle provoque rarement la mortalité, mais pendant les saisons où les infections sont importantes, la totalité de la production d'aiguilles d'épinette de l'année en cours peut être perdue. Les arbres plus âgés sont affectés par une croissance réduite les années où la rouille est importante. En 2020, plus de 10 000 hectares d’arbres infectés par la rouille des aiguilles de l’épinette et du thé du Labrador ont été cartographiés par relevés aériens dans le nord-est de la Colombie-Britannique, avec 83 % des infections jugées de gravité modérée. La plupart des arbres touchés étaient âgés de 60 à 80 ans. De graves infestations (jusqu'à 90 ou 100 % de perte d'aiguilles durant l'année en cours) ont également été signalées en Alaska et au Manitoba.

Prévention et répression

Les jeunes épinettes du sous-étage forestier sont plus susceptibles de succomber au stress de la défoliation répétée du feuillage de l’année en cours. Il convient donc d'éviter l'établissement de pépinières d'épinettes à proximité de grandes populations de thé du Labrador. Les rhododendrons ornementaux peuvent être affectés par des brûlures aux feuilles s'ils sont cultivés à proximité de plants de thé du Labrador. Dans certaines régions, différentes espèces d’épinettes peuvent présenter des niveaux d’infection plus faibles si leur débourrement est retardé et ne coïncide pas aussi précisément avec la production de basidiospores sur le thé du Labrador. Des observations d'épinettes en Nouvelle-Écosse ont révélé que les bourgeons de l'épinette blanche s'ouvraient plus tôt que ceux de l'épinette rouge et de l'épinette noire et étaient plus affectés par la rouille des aiguilles de l'épinette et du thé du Labrador.

Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :

L’acquisition d’information sur chacun de ses facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu'on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.

Les produits homologués pour être utilisés contre Chrysomyxa ledicola dans des situations particulières peuvent changer d'une année à l'autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce ravageur, veuillez consultez la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et dans certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.

Photos

Écidies de <em>Chrysomyxa ledicola</em> sur les aiguilles d'épinette.
Urédinies du champignon <em>Chrysomyxa ledicola</em> sur la face supérieure des feuilles de thé du Labrador.
Écidies de <em>Chrysomyxa ledicola</em> sur les aiguilles d'épinette.
Écidies de <em>Chrysomyxa ledicola</em> sur une aiguille d'épinette. Notez la couleur orange de la masse de spores et les pustules déchirées, indiquant que des écidiospores sont en cours de dispersion.
Une feuille infectée de thé du Labrador avec des urédinies du champignon <em>Chrysomyxa ledicola</em>. Le thé du Labrador est un hôte alternatif de <em>C. ledicola</em> qui provoque la rouille des aiguilles de l'épinette et du thé du Labrador sur l'épinette.

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Citer cette fiche

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