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Charançon du hêtre

Renseignements généraux et importance

Le charançon du hêtre est un défoliateur commun du hêtre européen (Fagus sylvatica) en Europe. Dans son aire de répartition d'origine, les infestations occasionnelles du charançon réduisent les taux de croissance des arbres et la production de faînes, mais n'entraînent pas la mortalité des arbres. Le charançon a été signalé pour la première fois en 2012, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Depuis, l'insecte s'est propagé dans toute la province et dans les provinces voisines du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, probablement en raison de déplacements accidentels d'origine humaine. Contrairement aux impacts relativement mineurs sur le hêtre européen, une mortalité de plus de 90 % des hêtres à grandes feuilles (F. grandifolia) a été consignée en Nouvelle-Écosse après 5 à 7 années consécutives de défoliation par le charançon du hêtre. À mesure que le charançon du hêtre envahissant se propage en Amérique du Nord, il menace la santé du hêtre à grandes feuilles, une espèce écologiquement importante qui subit déjà des dommages importants causés par d'autres ravageurs envahissants, comme la maladie corticale du hêtre et la maladie des feuilles du hêtre.

Aire de répartition et hôtes

Le charançon du hêtre est présent dans toute l’aire de répartition du hêtre européen. En Amérique du Nord, il était déjà bien établi dans un rayon de 30 kilomètres d’Halifax ainsi que dans certaines parties du Cap-Breton en 2012. Des relevés annuels menés en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador de 2012 à 2017 par l’Agence canadienne d’inspection des aliments ont permis de détecter le charançon dans quatre autres comtés de la Nouvelle-Écosse, mais pas à l’extérieur de la province. En 2021, le charançon a été détecté à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick. Il est difficile de connaître l’étendue de la répartition actuelle du charançon du hêtre en Amérique du Nord, car aucune enquête annuelle officielle de détection n’a été menée depuis 2017. Cependant, le potentiel de propagation du charançon dans toute l’aire de répartition du hêtre à grandes feuilles en Amérique du Nord est considérable.

Les principaux hôtes du charançon du hêtre sont le hêtre européen et le hêtre à grandes feuilles (Fagaceae). En Europe, des adultes du charançon du hêtre ont été observés en train de se nourrir du feuillage de pas moins de 14 espèces de plantes au début du printemps avant le débourrement du hêtre, notamment l'aubépine monogyne (Crataegus monogyna) et le framboisier rouge (Rubus idaeus). Lors d'infestations du charançon en Allemagne, l'alimentation des adultes a endommagé les fruits d'abricotiers et de cerisiers (deux espèces de Prunus) et de pommiers (Malus) poussant près des hêtres. Cependant, dans des essais biologiques d’alimentation sans choix menés sur des adultes du charançon du hêtre provenant de populations établies en Nouvelle-Écosse, on a observé peu ou pas d'alimentation sur d'autres espèces que le hêtre à grandes feuilles. À l'exception d'un rare rapport d'émergence d'adultes à partir du feuillage du chêne à feuilles de saule (Quercus phellos) et du chêne de Hongrie (Q. frainetto) dans un arboretum britannique, le développement réussi du charançon du hêtre de l'œuf à l'adulte a seulement été observé sur les hêtres européens et à grandes feuilles.

Parties de l'arbre affectées

Feuillage. Signalements occasionnels en Europe de dommages causés aux arbres fruitiers poussant à proximité de hêtres européens infestés.

Symptômes et signes

Les adultes se nourrissent des jeunes feuilles en développement et créent des trous de tir typiques au fur et à mesure que les feuilles se développent. Les galeries larvaires commencent à la nervure médiane et s'élargissent en se déplaçant vers le bord de la feuille. Les larves sont blanches avec une tête noire et mesurent environ 5 millimètres de long à maturité. La pupaison a lieu à l'intérieur de la feuille dans une galerie en forme de tache. En cas d'infestation importante, les feuilles sont rabougries avec des pointes nécrotiques, ce qui donne au feuillage un aspect brûlé et à la couronne une apparence mince et clairsemée. Les charançons adultes sont petits, de 2,2 à 2,8 millimètres de long, noirs avec une pubescence dorée et des pattes postérieures bien développées qui leur permettent de sauter de plusieurs centimètres. On les observe facilement en battant les branches de hêtre (avec une feuille de battage ou une couverture en dessous pour capturer les insectes délogés) après le débourrement au printemps.

Cycle de vie

Le charançon du hêtre ne produit qu'une seule génération par an. Les adultes sont présents la majeure partie de l'année et hivernent principalement sur les troncs d'arbres (en particulier les hêtres atteints de la maladie corticale, mais aussi sur les érables et les épinettes), dans les crevasses et sous les écailles de l'écorce ou la mousse. On les trouve également dans la litière de feuilles et sur le feuillage des épinettes. Les adultes sortent de la diapause reproductive au printemps et on peut les trouver en train de se nourrir et de s'accoupler sur les jeunes feuilles de hêtre en développement au moment du débourrement. Les femelles pondent 40 à 50 œufs (de 0,6 à 0,7 millimètres de long) individuellement le long de la nervure médiane sur la face inférieure des feuilles en développement. Les larves creusent des galeries dans les feuilles de la nervure médiane vers le bord de la feuille et passent par trois stades larvaires avant la pupaison dans un cocon blanc à l'intérieur de la galerie foliaire. La nouvelle génération d'adultes peut ou non se nourrir du feuillage avant de chercher des sites d'hivernage. Le temps entre l’œuf et l’adulte est de 30 à 35 jours.

Dommages

Le charançon a causé une défoliation importante, le dépérissement de la cime et la mortalité de hêtres à grandes feuilles matures en Nouvelle-Écosse. Les hêtres à grandes feuilles défoliés par le charançon au printemps produiront une deuxième poussée de feuilles au milieu de l'été. Cette deuxième poussée de feuilles ne subit généralement que peu de dommages par le charançon. Cependant, des années successives de défoliation affaiblissent progressivement les arbres et augmentent leur vulnérabilité à l'invasion fongique et à la mortalité due à des agents pathogènes tels qu'Armillaria ostoyae. Plus de 90 % des arbres ont été tués dans des peuplements naturels de hêtres à grandes feuilles après plus de sept années consécutives de défoliation par le charançon.

Prévention et répression

Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :

L’acquisition d’information sur chacun de ces facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu’on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.

Les efforts d'éducation et de sensibilisation visant à encourager l'achat et l’utilisation de bois de chauffage provenant uniquement de sources locales peuvent contribuer à réduire le taux de propagation assistée par l'homme des charançons adultes qui hivernent sur les troncs des feuillus et des conifères. Les insecticides systémiques peuvent être efficaces pour réduire la survie des larves et les dommages au feuillage des arbres individuels. Les insecticides sont définis comme des produits antiparasitaires et sont réglementés au Canada. Les produits homologués pour lutter contre le charançon du hêtre dans des situations particulières peuvent changer d'une année à l'autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce ravageur, veuillez consulter la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.

La répression du charançon du hêtre au niveau forestier pourrait nécessiter une combinaison de conservation des gènes du hêtre et de lutte biologique classique contre l'insecte. La conservation des gènes est un défi car les faînes sont à la fois difficiles à récolter (en raison de la prédation par la faune) et à préserver. Le charançon est l'hôte de nombreuses espèces de guêpes parasites en Europe, alors qu'en Nouvelle-Écosse, seuls de très faibles niveaux de parasitisme par une poignée d'espèces indigènes ont été observés. Une étude de deux ans sur les parasitoïdes du charançon du hêtre en Europe menée par le Centre for Agriculture and Biosciences International (CABI) a principalement élevé des espèces polyphages, mais a identifié trois espèces qui semblaient se spécialiser sur Orchestes. De nombreuses recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si l'une de ces espèces serait une candidate appropriée pour la lutte biologique classique contre O. fagi en Amérique du Nord.

Références sélectionnées

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Citer cette fiche

Sweeney, J.D. 2025. Charançon du hêtre. Dans J.P. Brandt, B.I. Daigle, J.-L. St-Germain, A.C. Skinner, B.C. Callan et V.G. Nealis, éditeurs. Arbres, insectes, acariens et maladies des forêts du Canada. Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Administration centrale. Ottawa, Ontario.