Arpenteuse tardive
- Nom commun anglais : Winter moth
- Autre(s) nom(s) commun(s) : Phalène hiémale, phalène brumeuse, cheimatobie hiémale
- Nom scientifique : Operophtera brumata (L.)
- Règne : Animalia
- Embranchement : Arthropoda
- Classe : Insecta
- Ordre : Lepidoptera
- Famille : Geometridae
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Liste partielle des synonymes :
- Cheimatobia brumaria (Esper)
- Cheimatobia vulgaris (Stephens)
- Cheimatobia. myricaria (Cooke)
- Phalaena. grisearia (Villers)
- Thysanodes phryganea (Rambur)
Renseignements généraux et importance
L’arpenteuse tardive est originaire d'Europe et de la majeure partie de l'Eurasie, y compris du Japon. Elle a été introduite accidentellement en Nouvelle-Écosse dans les années 1930, mais confondue avec l'arpenteuse de Bruce, une espèce indigène qui lui est étroitement apparentée. La même erreur s'est produite en Colombie-Britannique, où l’arpenteuse tardive n'a été reconnue comme une espèce exotique envahissante qu'en 1976, malgré des dommages causés plusieurs années auparavant. Les analyses génétiques indiquent que les introductions dans l'est et l'ouest de l'Amérique du Nord étaient indépendantes et provenaient de sources différentes en Europe. Les études génétiques confirment également que l’arpenteuse tardive et les espèces indigènes d'Operophtera du complexe de l'arpenteuse de Bruce s'hybrident en Amérique du Nord.
Les premières observations de l’arpenteuse tardive ont été faites dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse à la fin des années 1940. En 1970, des populations étaient établies en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et dans le sud du Nouveau-Brunswick. Des relevés ultérieurs montrent que l’arpenteuse tardive n’a pas étendu son aire de répartition dans les régions plus froides du nord du Canada atlantique au cours des 50 dernières années. Les infestations graves, qui ont été observées au cours des premières années d’expansion de l’aire de répartition, sont devenues moins fréquentes. L’histoire de l’invasion de la Colombie-Britannique suggère des limites climatiques similaires, car l’arpenteuse tardive ne s’est établie que dans le sud de l’île de Vancouver et dans les basses-terres continentales près de la côte. Cependant, contrairement aux populations d’arpenteuses tardives du Canada atlantique, les populations du sud de l’île de Vancouver restent chroniquement élevées.
L’arpenteuse tardive doit son nom commun au fait qu'il est l'un des rares papillons visiblement actifs à la fin de l'automne et au début de l'hiver dans les environnements nordiques. Ce sont les papillons mâles que l'on voit voler pendant les nuits froides à la recherche des femelles incapables de voler.
Aire de répartition et hôtes
L’arpenteuse tardive est l'un des insectes forestiers les plus répandus dans l'hémisphère nord, en partie en raison de sa large gamme d'hôtes. L'expansion de l'aire de répartition européenne vers le nord, jusqu'en Fennoscandie, en raison des hivers plus doux, s'est produite ces dernières années, tout comme l'élargissement de la liste des plantes hôtes utilisées par l’arpenteuse tardive.
La répartition actuelle de l’arpenteuse tardive en Amérique du Nord est limitée aux climats tempérés modérés du sud de l'île de Vancouver et des terres continentales adjacentes de l'ouest du Canada, à la côte maritime de l'est du Canada et aux États adjacents du nord-est de l'Atlantique des États-Unis (zones de rusticité des plantes 5b et plus chaudes). D'après la correspondance climatique, l’arpenteuse tardive pourrait survivre dans les régions tempérées du sud de l'Ontario, du Québec et du sud de la Colombie-Britannique si elle s'y dispersait naturellement ou y était introduite accidentellement. Les conditions modératrices associées au changement climatique augmentent le risque d'une nouvelle expansion de l’arpenteuse tardive en Amérique du Nord.
L’arpenteuse tardive se nourrit de nombreuses espèces d'arbres et d'arbustes feuillus et de certains conifères. Dans ses aires de répartition indigènes et introduites, le chêne (Quercus), l'érable (Acer), le bouleau (Betula) et l'orme (Ulmus) sont les hôtes les plus courants. Elle peut également être un ravageur du pommier (Malus), du poirier (Pyrus), du cerisier (Prunus) et du bleuet (Vaccinium).
Parties de l'arbre affectées
Symptômes et signes
Les œufs mesurent 0,70 millimètres de long. Ils sont d'abord vert pâle, mais deviennent orange au bout de quelques jours s'ils sont fécondés. Les larves sont vertes avec une bande dorsale médiane vert foncé et trois bandes latérales jaune pâle. Ces marques disparaissent juste avant la pupaison. La femelle de l’arpenteuse tardive mesure 10 millimètres de long et possède des ailes vestigiales. Le mâle est de couleur beige clair et a une envergure maximale de 30 millimètres, avec une frange d'écailles sur les bords extérieurs des ailes. Les papillons adultes sont le stade de vie le plus visible car ils volent la nuit de la fin de l'automne au début de l'hiver et sont attirés par la lumière.
La plupart des dommages surviennent tôt dans la saison, lorsque les larves se nourrissent dans les bourgeons. Ils deviennent évidents lorsque les feuilles se déplient et révèlent un motif caractéristique de trous dans la feuille en expansion. On peut voir les larves suspendues à des fils de soie sous les arbres pendant toute la période d'alimentation. Les larves adultes mesurent environ 18 millimètres de long.
Cycle de vie
Les œufs sont pondus individuellement (mais généralement regroupés relativement près les uns des autres) dans des crevasses d'écorce protégées ou sur du lichen ou de la mousse près du tronc inférieur des arbres de novembre à début janvier. Les œufs éclosent dès le mois de mars en Colombie-Britannique et jusqu'à la mi-mai dans l'est du Canada. Le degré de synchronisme entre l'éclosion des œufs et le développement des bourgeons en début de saison est un déterminant important des taux de survie locaux. La synchronicité entre l'éclosion des œufs au printemps et le débourrement des bourgeons peut affecter la préférence apparente parmi les hôtes disponibles à un endroit ou une année donnée.
Les larves nouvellement écloses se nourrissent des premiers bourgeons et se laissent tomber sur des fils de soie, puis se dispersent sur plusieurs centaines de mètres en se laissant planner par les courants d'air. Les femelles adultes ne volent pas, de sorte que la dispersion des petites larves a été le principal mécanisme de propagation. Les relevés montrent une propagation graduelle depuis le point d'introduction initial dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse vers le nord-est, dans la direction des vents dominants.
Les larves pénètrent dans les bourgeons en développement et terminent leur alimentation de la fin mai au début juin en Colombie-Britannique, et plus tard dans le Canada atlantique. Au fur et à mesure que les larves et les feuilles dont elles se nourrissent se développent, elles replient la feuille pour former un abri lâche. Une fois la période d'alimentation terminée, les larves descendent au sol sur des fils de soie et se transforment en pupes dans des loges souterraines où elles demeurent pour le reste de l'été. Les papillons adultes émergent de la fin de l'automne au début de l'hiver. Le papillon femelle sans ailes de l’arpenteuse tardive parvient à grimper sur une courte distance dans un arbre et émet une phéromone d'accouplement pour attirer les mâles. Après l'accouplement, la femelle grimpe plus haut dans l'arbre, où elle pond ses œufs dans des crevasses d'écorce protégées.
Dommages
Malgré la taille relativement petite des larves de l’arpenteuse tardive, leur émergence précoce et leur habitude de se nourrir à l'intérieur de petits bourgeons en développement peuvent causer des dommages importants à la croissance des nouvelles plantes. Des niveaux relativement élevés de mortalité des arbres ont été observés en raison d'une défoliation grave après l'introduction initiale en Nouvelle-Écosse. Cependant, depuis l'effondrement des populations au milieu des années 1960, les dommages importants dans l'est du Canada se sont limités à des arbres et arbustes dispersés ainsi qu'à des arbres d'agrément et fruitiers. Les dommages ont également diminué sur la côte de la Colombie-Britannique depuis les premières infestations, mais des dommages visibles au chêne de Garry (Quercus garryana) dans la région de Victoria continuent de se produire, tout comme les dommages aux arbres fruitiers locaux.
Un comportement cyclique périodique des populations d’arpenteuses tardives a été observé en Europe, où des données historiques plus longues sont disponibles. On observe également une expansion des aires géographiques et des hôtes dans ces régions. En Amérique du Nord, la défoliation grave qui a suivi les introductions initiales ne se produit plus; par conséquent, s'il y a des cycles, ils oscillent à de faibles densités de population. L'effondrement des populations au Canada est lié à l'introduction et à l'établissement d'ennemis naturels.
Prévention et répression
Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :
- le niveau de la population du ravageur (c'est-à-dire le nombre de ravageurs présents sur l'hôte ou les hôtes affectés);
- les dommages prévus ou toute autre conséquence négative résultant de l'activité du ravageur et du niveau de sa population sur l'hôte, les biens ou l'environnement;
- la compréhension du cycle de vie du ravageur, de ses divers stades de développement, de même que des divers agents biotiques et non biotiques qui affectent les niveaux de ses populations;
- le nombre de spécimens hôtes touchés (un seul arbre hôte, un petit groupe d’arbres hôtes, une plantation, une forêt);
- la valeur attribuée à l'hôte ou aux hôtes compte tenu des coûts rattachés aux approches de lutte contre le ravageur;
- la prise en considération des diverses approches de lutte de nature sylvicole, mécanique, chimique, biologique et naturelle, de même que de les avantages et désavantages de chacune.
L’acquisition d’information sur chacun de ces facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu’on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.
En tant qu'espèce exotique envahissante, l’arpenteuse tardive est réglementée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui impose des restrictions sur le déplacement du bois de chauffage, qui peut abriter des œufs d’arpenteuses tardives (Directive D-01-12).
L’arpenteuse tardive est la cible d’efforts de lutte biologique depuis sa découverte en Amérique du Nord. Plusieurs insectes parasites (parasitoïdes) ont été introduits. Cyzenis albicans, une espèce de mouche tachinide, est celle qui a le mieux réussi à s'établir et à se propager naturellement et par relocalisation intentionnelle. Ce parasitoïde réduit efficacement les populations à forte densité d’arpenteuses tardives. Une fois les populations diminuées, les prédateurs locaux se nourrissant de pupes dans le sol pendant l'été et infligent une mortalité suffisante pour maintenir les niveaux de population d’arpenteuses tardives à un faible niveau pendant plusieurs années. La mesure dans laquelle les prédateurs du sol maintiennent les populations à ces faibles niveaux varie en fonction de l'abondance locale et de la réaction de ces prédateurs.
L'habitude alimentaire de l’arpenteuse tardive à l'intérieur des bourgeons rend difficile la répression. Heureusement, les dommages limités causés par la défoliation des arbres forestiers ont rendu les interventions rarement nécessaires. Des bandes collantes autour des troncs d'arbres sont utilisées pour piéger ou entraver les arpenteuses tardives femelles à l'automne et les larves en éclosion au printemps, et c'est une option courante pour les arbres individuels. Les arbres fruitiers commerciaux sont souvent traités contre des ravageurs apparentés, ce qui réduit également probablement les populations d’arpenteuses tardives. Les pesticides homologués pour lutter contre l’arpenteuse tardive des situations particulières peuvent changer d'une année à l'autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce ravageur, veuillez consulter la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.
Photos
Références sélectionnées
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