Rouille des feuilles du peuplier
- Nom de la maladie en anglais : Conifer-aspen rust
- Nom de l'agent pathogène : Melampsora medusae f. sp. tremuloidis Shain
- Règne : Fungi
- Embranchement : Basidiomycota
- Classe : Pucciniomycetes
- Ordre : Pucciniales
- Famille : Melampsoraceae
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Liste partielle des synonymes :
- Caeoma faulliana Hunter
- Melampsora albertensis Arthur
Renseignements généraux et importance
Melampsora medusae forma specialis tremuloidis est un parasite obligatoire, c'est-à-dire qu'il ne peut survivre sans un hôte vivant. La rouille alterne entre un hôte conifère et un hôte peuplier pour accomplir son cycle de vie complexe, produisant cinq stades de spores morphologiquement et pathologiquement différents. La rouille provoque une défoliation mineure à modérée de ses hôtes peupliers (Populus). Elle peut être très dommageable pour les semis délicats de conifères, en particulier ceux qui sont plantés dans des pépinières de plants à racines nues, à proximité de peupliers.
Aire de répartition et hôtes
La rouille des feuilles du peuplier est présente dans toutes les provinces et territoires forestiers, suivant la répartition naturelle de ses deux espèces peupliers hôtes. Les principaux hôtes écidiens sont les semis et les jeunes plants de mélèze (Larix), de pin (Pinus) et de douglas vert (Pseudotsuga menziesii), car ils sont les plus sensibles à cette rouille. Les principaux hôtes urédiniaux sont le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) et le peuplier à grandes dents (P. grandidentata).
Parties de l'arbre affectées
Les infections sont principalement foliaires (feuilles de peupliers, aiguilles de l'année en cours des conifères), mais les jeunes pousses tendres des conifères (en particulier les semis) peuvent également être affectées.
Symptômes et signes
Les premiers signes de Melampsora medusae f. sp. tremuloidis apparaissent en été sur le peuplier faux-tremble et le peuplier à grandes dents sous la forme de petites pustules urédinales arrondies de couleur jaune-orange sur la face inférieure des feuilles infectées. Elles peuvent d'abord apparaître comme des points poudreux sur les feuilles, d'un diamètre inférieur à 1 millimètre. Au fur et à mesure que la saison avance, toute la surface inférieure de la feuille peut devenir orange. En cas de forte infection, le feuillage jaunit et tombe prématurément. Les urédinies contiennent des masses d'urédiospores ellipsoïdes à obovoïdes (légèrement effilées à une extrémité, comme un œuf) de 15 à 23 micromètres sur 23 à 35 micromètres. Leur contenu est jaune-orange et leurs parois latérales sont légèrement épaissies sur les côtés opposés. Les urédiospores sont ornées de minuscules épines, à l'exception d'une zone lisse équatoriale (également appelée tache chauve). Parmi les urédiospores, on trouve des paraphyses capitonnées (structures hyphales hyalines stériles à sommet arrondi). Les télies se trouvent sur les feuilles encore attachées de peuplier vers la fin de la saison de croissance et sur les feuilles tombées au sol. Elles ont un aspect cireux et se développent sous l'épiderme de la face inférieure de la feuille. Elles sont d'abord orange et deviennent brun rougeâtre lorsque les feuilles tombent. Les téliospores sont prismatiques (rectangulaires vues de côté, carrées vues de dessus), de 20 à 45 micromètres sur 10 à 15 micromètres, à parois épaisses et brunes. Au printemps, lorsque les aiguilles des conifères hôtes sortent des bourgeons et commencent à se développer, les téliospores germent et forment un basidium septé portant quatre basidiospores.
Les jeunes aiguilles des conifères infectés par les basidiospores développent des spermogonies microscopiques en forme de volcan sous la cuticule de l'aiguille. Peu après, des écidies commencent à se développer sur la surface inférieure des aiguilles. Les écidies sont rondes à ovales, jaunes et d'un diamètre de 0,5 à 1 millimètre. Les écidiospores sont produites en chaîne dans les écidies. Elles sont globuleuses, de 19 à 26 micromètres sur 16 à 21 micromètres et ont des parois de spores finement épineuses qui sont plus épaisses à l'équateur.
Dans l'est du Canada, une deuxième espèce de rouille, Melampsora abietis-canadensis (Farl.) C.A. Ludw. est également présente sur le peuplier à grandes dents, produisant les mêmes symptômes et signes sur son feuillage. Melampsora abietis-canadensis alterne entre les peupliers et la pruche du Canada (Tsuga canadensis). Sur le peuplier, les urédiospores de cette dernière espèce sont ellipsoïdes à globuleuses, et parfois légèrement aplaties le long du grand axe. Elles présentent des verrues fines et éparses et sont plus petites, mesurant de 16 à 24 micromètres sur 13 à 18 micromètres. Le stade écidien est limité à la pruche du Canada. À ce stade, la rouille attaque les aiguilles, les cônes verts et les jeunes pousses tendres.
Melampsora medusae f. sp. deltoidis infecte les conifères, le peuplier deltoïde (P. deltoides) et d'autres peupliers qui sont inter-stériles. Il est probable que ces deux formae speciales soient en fait des espèces distinctes. Certaines références utilisent le nom Melampsora albertensis pour la rouille des feuilles du peuplier pour cette raison.
Cycle de la maladie
Melampsora medusae f. sp. tremuloidis est un parasite obligatoire (il a besoin d'un hôte vivant pour se développer et se reproduire). Il est également macrocyclique (il possède cinq types de spores différents : spermaties, écidiospores, urédiospores, téliospores et basidiospores) et hétéroïque (il a besoin d'alterner entre deux espèces hôtes non apparentées à différents stades de son cycle de vie pour l'achever complètement). Les basidiospores des téliospores ayant hiverné sur les feuilles de peuplier tombées au sol sont transportées par le vent et infectent le jeune feuillage des conifères voisins au printemps. La rouille colonise les aiguilles des conifères et produit des spermogonies. Les spermogonies exsudent des spermaties. La recombinaison sexuelle (accouplement) se produit lorsque les spermaties suintent des spermogonies dans un liquide sucré et collant et sont disséminées (généralement par des acariens ou des insectes) vers des hyphes réceptifs sur une autre spermogonie voisine. L'union qui en résulte produit des pustules écidiennes environ deux semaines après l'infection initiale par les basidiospores. Les écidies éclatent de l'épiderme et libèrent des écidiospores qui sont transportées par le vent et infectent le feuillage des jeunes trembles. Les écidiospores ne peuvent pas réinfecter leur hôte conifère. Les écidiospores ne peuvent provoquer des infections que sur le jeune feuillage du peuplier.
Les urédinies résultant des infections par les écidiospores sont alors produites en abondance sur le feuillage des peupliers, libérant de grandes quantités d'urédiospores tout au long de l'été. Les urédiospores sont transportées par le vent et provoquent de nouvelles infections sur le feuillage des peupliers. La production d'urédiospores se poursuit tout au long de la saison de croissance et augmente considérablement les niveaux de maladie sur le peuplier. À la fin de la saison de croissance, la production d'urédinies ralentit. Les urédinies sont progressivement remplacées par les télies, qui se développent sur les feuilles mourantes du peuplier. Les téliospores sont entassées dans les télies. Elles ne constituent pas une source de propagation. Au printemps, elles germent sur les feuilles mortes pour produire des basides et des basidiospores.
Dommages
La rouille des feuilles du peuplier provoque une défoliation faible à modérée sur son hôte, le peuplier. La rouille cause le plus de dommages dans les forêts naturelles les années où les températures printanières sont douces et les précipitations supérieures à la moyenne. Des dommages importants sur les très jeunes plants de conifères (1 à 2 ans) peuvent se produire dans les plantations de reboisement et les pépinières produisant les plants à racines nues situées dans des zones forestières où le peuplier (l'hôte alternatif) est présent.
Prévention et répression
Les répercussions sur les hôtes peupliers sont relativement mineurs et se produisent principalement dans les forêts naturelles, de sorte qu'aucune lutte contre de la rouille sur cet hôte n'est justifiée. Dans les pépinières de plants de conifères à racines nues, l'incidence de la maladie peut être réduite par l'élimination des peupliers situés à proximité. Si cela n'est pas possible, l'enlèvement et la destruction des feuilles de peuplier tombées au sol sont également efficaces. Cela brisera le cycle de la maladie en réduisant considérablement la production de basidiospores à partir des téliospores hivernant sur les feuilles mortes.
Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :
- le niveau de la population du ravageur (c'est-à-dire le nombre de ravageurs présents sur l'hôte ou les hôtes affectés);
- les dommages prévus ou toute autre conséquence négative résultant de l'activité du ravageur et du niveau de sa population sur l'hôte, les biens ou l'environnement;
- la compréhension du cycle de vie du ravageur, de ses divers stades de développement, de même que des divers agents biotiques et non biotiques qui affectent les niveaux de ses populations;
- le nombre de spécimens hôtes individuels touchés (un seul arbre hôte, un petit groupe d’arbres hôtes, une plantation, une forêt);
- la valeur attribuée à l'hôte ou aux hôtes compte tenu des coûts rattachés aux approches de lutte contre le ravageur;
- la prise en considération des diverses approches de lutte de nature sylvicole, mécanique, chimique, biologique et naturelle, de même que de les avantages et désavantages de chacune.
L’acquisition d’information sur chacun de ses facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu'on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.
Les pesticides homologués pour être utilisés contre Melampsora medusae f. sp. tremuloidis dans des situations particulières peuvent changer d'une année à l'autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce pathogène, veuillez consultez la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et dans certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.
Photos
Pustules urédiniales jaunâtre-orange de Melampsora medusae f. sp. tremuloidis, mesurant moins d'un millimètre de diamètre, sur la face inférieure d'une feuille de peuplier infectée.
Feuilles de peuplier avec des urédinies (fructifications) de Melampsora medusae f. sp. tremuloidis.
Robert Blais
Bibliographie sélective
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