Maladie de la suie de l’érable
- Nom de la maladie en anglais : Sooty bark disease
- Autres noms de la maladie : Maladie de la suie
- Nom de l'agent pathogène : Cryptostroma corticale (Ellis & Everh.) P.H. Greg. & S. Waller
- Règne : Fungi
- Embranchement : Ascomycota
- Classe : Sordariomycetes
- Ordre : Xylariales
- Famille : Xylariaceae
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Liste partielle des synonymes :
- Coniosporium corticale (Ellis & Everh., 1889)
Renseignements généraux et importance
Cryptostroma corticale est un champignon causant des chancres qui affecte les érables (espèces du genre Acer), plus particulièrement l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus), l'érable de Norvège (A. platanoides) et l'érable à grandes feuilles (A. macrophyllum). La capacité du pathogène à envahir l'écorce et l'aubier de ses hôtes entraîne un flétrissement et un dépérissement dus à la perturbation du système vasculaire. La maladie causée par C. corticale peut entraîner la mort de l'hôte dans les trois ans qui suivent l'apparition des premiers symptômes.
Aire de répartition et hôtes
L'aire de répartition naturelle de C. corticale serait limitée à la région des Grands Lacs en Ontario. Chryptostroma corticale est endémique à son hôte indigène, l'érable à sucre (A. saccharum), dans la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent et ne provoque pas de maladie. On pense actuellement que l'agent pathogène a été introduit dans les forêts urbaines et naturelles de la côte de la Colombie-Britannique et de l'État de Washington voisin, où il infecte les érables, en particulier l'érable à grandes feuilles indigène et l’érable sycomore et l’érable de Norvège introduits. Cryptostoma corticale est également une espèce envahissante qui provoque des maladies chez ses hôtes dans toute l'Europe. Elle a été remarquée pour la première fois au Royaume-Uni en 1945 et s'est depuis répandue dans d'autres pays où l'érable sycomore est la principale espèce d'arbre affectée, comme l'Autriche, la République tchèque, la France, l'Allemagne, la Slovénie et la Suisse.
Parties de l'arbre affectées
Les symptômes et les signes du pathogène sont visibles sur les tiges et les branches des érables hôtes de tout âge.
Symptômes et signes
La fissuration et le détachement de l'écorce sont les symptômes les plus évidents de cette maladie. Le champignon sporule dans des plaques (stromas) sous l'écorce, dont la couleur varie du noir ou du brun foncé au gris clair ou au blanc. Au printemps ou au début de l'été, un liquide sombre et collant peut s'écouler des fissures de la tige ou des branches infectées, ou des blessures d’élagage. Les chancres peuvent se présenter sous la forme d'une écorce soulevée avec des excroissances allongées ressemblant à des cloques, s'étendant verticalement le long de la tige ou des branches. Les arbres hôtes subissent également une baisse de vigueur et un dépérissement de la couronne, qui se caractérise par le raccourcissement des rameaux, la mortalité des pousses, le flétrissement ou l'enroulement des feuilles, la défoliation et l'auto-élagage des branches inférieures. Des drageons et des rejets peuvent également apparaître près de la base de l'arbre en réaction au stress provoqué par l'infection. Les arbres infectés peuvent présenter une tache brun-vert foncé à jaune dans le bois de cœur.
Les stromas matures se composent de deux couches distinctes : le stroma du toit et le stroma du sol. Des colonnes stromatiques noires soutiennent le stroma de toit. L'espace ainsi créé est rempli d'une masse de spores poudreuses. Les spores (conidies) sont produites à partir d'une couche continue de conidiophores courts, dressés et non ramifiés, qui sont amassées à la surface du stroma du sol et qui sont absents du stroma du toit et des colonnes stromatiques. Les conidiophores ont 3 à 5 cellules, sont hyalins à la base et bruns vers l'apex. Les conidies sont ovoïdes ou parfois cylindriques, hyalines au début mais devenant brunes avec l'âge, à parois lisses, de 5 par 4 micromètres, et formées de phialides en chaînes sèches qui se désarticulent facilement.
Plusieurs autres maladies et champignons peuvent être confondus avec la maladie de la suie de l’érable, tels que le champignon de la croûte noire (Kretzschmaria deusta), le champignon des taches de léopard (Biscogniauxia bartholomaei), le charbon du chêne-liège (Biscogniauxia mediterranea) et le cœur mouillé. Si la décoloration sombre ne se produit qu'à la surface de l'écorce et non sous des morceaux d'écorce détachés, il ne s'agit pas de la maladie de la suie de l’érable.
Cycle de la maladie
Cryptostroma corticale peut produire une grande quantité de conidies (spores asexuées) sur les arbres infectés. Un arbre hôte dont le diamètre de la tige est de 30 centimètres peut produire environ 3,4 x 108 conidies par centimètre carré de surface stromale. Ces conidies peuvent facilement se propager d'un érable à l'autre avec le vent. Les conidies qui se développent sous l'écorce d'un arbre infecté peuvent se déplacer dans l'air si l'écorce entourant les stromas est dérangée. Les spores de l'agent pathogène pénètrent dans de nouveaux hôtes par des blessures ou des ouvertures naturelles à la surface de l'écorce, notamment des fissures et des lenticelles (petits pores qui permettent l'échange de gaz entre l'atmosphère et les tissus internes de la plante). Le pathogène peut agir en tant qu'endophyte dans des hôtes sains et vivants, mais devient pathogène lorsque l'arbre hôte est affaibli par des facteurs environnementaux défavorables. Cryptostroma corticale infecte d'abord les jeunes pousses et les branches, ce qui entraîne le dépérissement des rameaux et des branches. Peu après, les mycéliums se propagent dans l'aubier. Les premiers symptômes apparaissent généralement un an après l'infection de l'hôte, et la mort de l'arbre survient généralement au bout de trois ans.
Dommages
Les arbres de tous âges et de toutes tailles sont susceptibles d'être infectés par cette maladie. Toutefois, les érables situés à la lisière des bois, le long des sentiers et à proximité des zones très fréquentées sont souvent les plus touchés en raison du stress résultant du compactage du sol dû à un trafic piétonnier plus important. Cryptostroma corticale se propage plus rapidement dans les hôtes soumis à des conditions défavorables, telles que la sécheresse, le stress hydrique, la chaleur extrême, l’exposition prolongée à la lumière solaire forte et les sols compactés et imperméables à l'eau. Les projections climatiques prévoient une augmentation des étés plus chauds et plus secs dans l'ouest du Canada; par conséquent, la maladie de la suie de l’érable deviendra probablement plus courante et plus répandue dans les forêts urbaines et naturelles de la Colombie-Britannique.
Les forestiers et les travailleurs d’usine exposés de manière répétée à une forte concentration de spores risquent de développer des affections respiratoires, telles que la pneumopathie allergique ("maladie de l'écorce d'érable"). En revanche, le public qui n'entre qu'occasionnellement en contact avec les spores de la maladie de la suie de l’érable dans le cadre de ses activités récréatives est considéré comme présentant un faible risque de développer des problèmes respiratoires.
Prévention et répression
Dans son aire de distribution endémique, les mesures de lutte contre C. corticale ne sont pas nécessaires. Cependant, des mesures devraient être prises dans son environnement nouvellement introduit en Colombie-Britannique, où le pathogène provoque des maladies chez les érables. La lutte n'est pas possible pour les arbres déjà infectés. L’aménagement des peuplements d'érables sains est recommandé pour prévenir la propagation de la maladie de la suie de l’érable. Dans les peuplements forestiers, les parcs urbains ou les boisés aménagés, les arbres infectés devraient être éliminés dès que possible. L'élimination des arbres infectés permet de réduire la charge d'inoculum, d'atténuer les risques pour la sécurité publique et de favoriser la régénération. L'élimination devrait se faire en hiver ou par temps humide afin de limiter la dispersion des spores. Dans les érablières naturelles, les arbres hôtes de grande valeur peuvent être conservés comme arbres à valeur faunique si les branches infectées sont élaguées et si le tronc est exempt de chancres.
Dans les zones urbaines et périurbaines où les érables poussent sur des sols compacts, les sols doivent être travaillés pour favoriser l’absorption et la rétention d'eau et l'aération du sol. Il est également possible de limiter le compactage du sol autour des érables cultivés dans les parcs en installant des marges de recul, des bandes herbeuses ou des jardinières afin de réduire le trafic piétonnier à proximité des racines des arbres.
Photos
Un érable sycomore gravement endommagé par Cryptostroma corticale, l'agent causal de la maladie de la suie de l'érable.
Nicolas Feau
Stromates fongiques gris clair de Cryptostroma corticale sous l'écorce d'un tronc d'érable sycomore.
Joey Tanney
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