Charançon du pin blanc
- Nom commun anglais : White pine weevil
- Autre(s) nom(s) commun(s) : Charançon du pin Weymouth, charançon de l'épinette de Sitka
- Nom scientifique : Pissodes strobi (Peck)
- Règne : Animalia
- Embranchement : Arthropoda
- Classe : Insecta
- Ordre : Coleoptera
- Famille : Curculionidae
-
Liste partielle des synonymes :
- Pissodes engelmanni Hopkins
- Pissodes sitchensis Hopkins
Renseignements généraux et importance
Le charançon du pin blanc est un insecte indigène très répandu qui s'attaque aux jeunes pins (Pinus) et épinettes (Picea) en Amérique du Nord. À l'origine, on pensait qu'il existait deux autres espèces apparentées s'attaquant à l'épinette de Sitka (P. sitchensis) et à l'épinette d'Engelmann (P. engelmannii) dans l'ouest. Il est maintenant reconnu qu'il s'agit d'une seule espèce avec un gradient transcontinental dans les hôtes indigènes préférés, allant de la prédominance des pins dans les forêts de l'est à la prédominance de l'épinette dans l'ouest. Au centre du continent canadien, le pin gris (P. banksiana) et l'épinette blanche (P. glauca) sont tous deux attaqués.
Avant l'exploitation forestière à grande échelle à la fin du XIXe siècle, le charançon du pin blanc était un habitant relativement inoffensif des lisières et des trouées forestières. Il occupait les zones où les jeunes arbres poussaient dans des conditions temporaires et ouvertes. Ces situations étaient rares, et le charançon l'était aussi. Ces conditions ont toutefois changé avec l'accélération des récoltes et des plantations à des fins de boisement et de reboisement. Les conditions ouvertes et chaudes et la concentration d’arbres de classes d'âge vulnérables dans ces plantations ont favorisé l'augmentation des populations de charançons du pin blanc et, par conséquent, l'accroissement des dommages.
Aire de répartition et hôtes
La répartition du charançon du pin blanc en Amérique du Nord coïncide avec celle de ses principaux hôtes : le pin blanc (P. strobus), le pin gris, l'épinette blanche, l'épinette d'Engelmann et l'épinette de Sitka. La répartition est donc transcontinentale au Canada et s'étend vers le sud jusqu'aux États-Unis. L'aire de répartition américaine comprend l'est des États-Unis jusqu'aux forêts du nord des États du centre du littoral atlantique et des États des Grands Lacs, ainsi que le nord-ouest du Pacifique et les montagnes Rocheuses jusqu'au Colorado.
Les hôtes secondaires comprennent plusieurs autres espèces de pins et d'épinettes, notamment l'épinette de Norvège (P. abies), l'épinette bleue (P. pungens) et le pin sylvestre (P. sylvestris), en particulier dans les plantations d'arbres de Noël et de plantes ornementales paysagères.
Parties de l'arbre affectées
Pousses principales de l'année précédente et de l'année en cours
Symptômes et signes
Les adultes du charançon du pin blanc sont des coléoptères brun foncé. Ils mesurent 6 à 7 millimètres de long et sont recouverts d'écailles tachetées de blanc et de beige. Ils ont le museau caractéristique des charançons. Le charançon du pin blanc peut être confondu avec des charançons de l'écorce apparentés, tels que le charançon du pin tordu, Pissodes terminalis, dans l'ouest de l'Amérique du Nord. La distinction symptomatique est que les charançons du pin blanc attaquent les pousses principales de l'année précédente et se nourrissent vers le bas, tandis que les charançons du pin tordu attaquent les pousses principales de l'année en cours et se nourrissent vers le haut.
Au début du printemps, des écoulements de résine peuvent être visibles dans les fosses d'alimentation creusées par les adultes sur la (ou les) pousse(s) principale(s), juste en dessous du bourgeon terminal. Les œufs sont pondus dans certaines de ces cavités et bouchés avec du phloème macéré. Une fois le couvain établi, les larves se nourrissent vers le bas sous l'écorce, provoquant une décoloration et finalement la mort de la pousse de l'année précédente. Par conséquent, la pousse de l'année en cours est privée de nutriments et d'eau. Elle finit par se flétrir et dégénérer en une forme de "bâton de berger" caractéristique. C'est la signature indéniable de l'attaque du charançon du pin blanc. Les larves blanches et dépourvues de pattes sont situées à l'intérieur de la pousse et atteignent 9 à 10 millimètres à maturité. Ces larves forment une chambre de copeaux de bois (cocon de copeaux) au centre de la pousse principale morte et se transforment en pupe. À la fin de l'été, cette pousse principale est criblée de trous circulaires où les charançons adultes ont émergé.
Les années suivantes, les arbres endommagés produisent de nombreuses nouvelles pousses à partir de l'endroit où la pousse principale a été tuée. Plusieurs d'entre elles peuvent survivre et continuer à croître, ce qui donne un arbre avec plusieurs pousses principales. Les conséquences des attaques répétées sur les jeunes pins blancs et d'autres hôtes peuvent être observées plusieurs décennies plus tard dans les arbres matures avec des tiges tordues, des tiges ou des têtes multiples, et des cimes tordues.
Cycle de vie
Le charançon du pin blanc produit une génération par an. Les œufs sont pondus dans des fosses d'alimentation situées juste en dessous de l’ensemble du bourgeon terminal et sont recouverts avec du phloème macéré. Des centaines d'œufs peuvent être pondus dans une seule pousse principale, ce qui fait de la concurrence un facteur important pour la survie des larves.
Après l'éclosion, les larves se nourrissent du phloème nutritif vers le bas. Elles y sont protégées sous l'écorce. Au fur et à mesure que les larves grandissent, leurs tunnels d'alimentation ceinturent la pousse principale, empêchant le flux de nutriments à travers la pousse terminale vers les nouvelles pousses situées au-dessus. Des loges pupales constituées de brins de bois se forment dans la moelle de la tige principale. Après la pupaison, les adultes se frayent un chemin hors de la pousse principale et se nourrissent pendant plusieurs semaines avant de se déplacer vers le sol pour passer l'hiver. Ils sortent des sites d'hivernage au printemps suivant et se dispersent vers d'autres arbres, où ils se rassemblent sur les pousses terminales pour se nourrir, s'accoupler et pondre.
Les charançons adultes peuvent vivre jusqu'à quatre ans. Ils ne produisent qu'une seule nouvelle génération par an.
Dommages
Les attaques sont les plus fréquentes sur les arbres à croissance vigoureuse dont le diamètre de la pousse principale est supérieur à 4 millimètres et dont la hauteur totale est inférieure à 6 mètres. Cette préférence pour les petits arbres signifie que les taux d'attaque sur la plupart des arbres diminuent sensiblement après environ 20 ans. Cela fait du charançon du pin blanc un ravageur plus important dans les boisements, les reboisements, les plantations d'arbres de Noël et les pépinières.
Le charançon du pin blanc tue au moins deux ans de croissance de la pousse terminale en une saison d'attaque. Chez les petits arbres (<0,5 mètre), toute la longueur de la tige peut être minée en une année, entraînant la mort de l'arbre. Plusieurs nouvelles pousses se développeront les années suivantes et beaucoup d'entre elles seront attaquées. Les arbres meurent rarement à la suite d'attaques, mais la présence de nombreuses pousses entraîne des conséquences négatives sur la qualité du bois pour l’industrie forestière et sur la forme des arbres de Noël et des plantes ornementales.
Prévention et répression
Les stratégies de répression d’un ravageur particulier varient suivant plusieurs facteurs, notamment :
- le niveau de la population du ravageur (c'est-à-dire le nombre de ravageurs présents sur l'hôte ou les hôtes affectés);
- les dommages prévus ou toute autre conséquence négative résultant de l'activité du ravageur et du niveau de sa population sur l'hôte, les biens ou l'environnement;
- la compréhension du cycle de vie du ravageur, de ses divers stades de développement, de même que des divers agents biotiques et non biotiques qui affectent les niveaux de ses populations;
- le nombre de spécimens hôtes individuels touchés (un seul arbre hôte, un petit groupe d’arbres hôtes, une plantation, une forêt);
- la valeur attribuée à l'hôte ou aux hôtes compte tenu des coûts rattachés aux approches de lutte contre le ravageur;
- la prise en considération des diverses approches de lutte de nature sylvicole, mécanique, chimique, biologique et naturelle, de même que de les avantages et désavantages de chacune.
L’acquisition d’information sur chacun de ses facteurs est nécessaire aux prises de décisions relatives à l’application de l’une ou l’autre des stratégies de lutte contre un ravageur. Ces facteurs devront être soigneusement mis en balance par rapport aux coûts et avantages avant qu'on entreprenne toute action contre un ravageur particulier.
Les conditions écologiques favorisant l'attaque et le développement du charançon du pin blanc peuvent être gérées grâce aux pratiques sylvicoles spécifiques du siècle précédent. Ces pratiques assurent que le pin blanc se régénère sous un couvert d’arbres de l’étage dominant (communément appelé coupes progressives), tels que le chêne et/ou le pin blanc mature. De même, dans l'ouest de l'aire de répartition, où l'épinette blanche se régénère sous la protection du peuplier (Populus), l’abri crée par le peuplier maintient le sous-étage frais et moins favorable à l'activité du charançon et limitent la taille de la pousse principale de l'hôte, ce qui rend cette dernière moins propice à la ponte du charançon. Une fois que les conifères vulnérables au charançon du pin blanc sont bien établis, la coupe progressive permet de libérer le pin ou l'épinette en régénération. Les arbres libérés poussent alors rapidement hors de la classe de taille vulnérable. Les petits blocs de récolte et la récolte sélective maintiennent également un ombrage au moins partiel, ce qui peut réduire la qualité de l'habitat pour le charançon du pin blanc. Les grands blocs de récolte suivis de la plantation d'arbres hôtes vulnérable dans l'espace ouvert (procédures courantes dans les pratiques modernes d’aménagement forestier commercial) permet à cet insecte de causer des dommages plus importants.
Les méthodes mécaniques telles que la coupe des pousses principales infestées et la destruction du couvain avant qu'il n'émerge en été peuvent réduire les populations. Cependant, ces méthodes demandent beaucoup de travail et doivent généralement être répétées pendant plusieurs années consécutives. Cette approche est souvent utilisée pour la production d'arbres de Noël et de pins et d'épinettes d'ornement cultivés en plein champ.
Des efforts considérables ont été déployés pour sélectionner des arbres moins vulnérables (ou résistants). Les variations génétiques héréditaires dans les caractéristiques de résistance aux attaques des charançons, telles que les taux de croissance rapide et la densité des canaux résinifères défensifs, ont été identifiées mais ne sont pas exploitées à grande échelle. La variation de la résistance associée aux conditions du site, telles qu'un drainage adéquat et des nutriments qui renforcent la vigueur des jeunes arbres, est probablement une mesure sylvicole d'atténuation plus pratique.
Des contrôles biologiques ont également été étudiés. Lonchaea corticis Taylor, une mouche prédatrice, est un ennemi naturel commun et efficace dans les populations naturelles, mais les méthodes permettant d'augmenter leurs populations en vue d'une lutte active n'ont pas encore été développées.
La principale difficulté liée aux traitements avec des pesticides réside dans le fait que les adultes sont actifs dans des sites ouverts et chauds relativement tôt au printemps et qu'il est difficile de les cibler avec des applications au sol. Une fois que les larves se nourrissent sous l'écorce, elles sont protégées contre les applications topiques. Les pesticides homologués pour être utilisés contre le charançon du pin blanc dans des situations particulières peuvent changer d'une année à l'autre. Ainsi, pour connaître les produits actuellement homologués et pour obtenir des renseignements quant à leur usage contre ce ravageur, veuillez consultez la base de données Information sur les produits antiparasitaires de Santé Canada. Tout produit homologué devrait être appliqué en fonction de la taille de la population et seulement lorsque nécessaire et au stade de vie indiqué. Il est recommandé également de consulter un professionnel local en arboriculture. Les pesticides peuvent être toxiques pour les humains, les animaux, les oiseaux, les poissons et d’autres insectes utiles. Veuillez, par conséquent, appliquer les produits homologués uniquement en cas de besoin et conformément aux indications inscrites sur l’étiquette du fabricant. Dans certaines juridictions et dans certaines situations, seul un professionnel autorisé peut appliquer des pesticides. Il est recommandé de consulter les autorités locales compétentes pour déterminer les réglementations locales en vigueur.
Photos
Larves de charançon du pin blanc qui ont été exposées à l’intérieur de la pousse terminale d'un pin blanc.
Thérèse Arcand
Œufs de charançon du pin blanc déposés par la femelle dans une petite fosse d'alimentation dans la pousse terminale de l'épinette de Norvège.
Thérèse Arcand
Trous de sortie circulaires où les adultes du charançon du pin blanc ont émergé sur une pousse terminale d'épinette noire.
Thérèse Arcand
Trous rongés dans la pousse terminale de l'épinette de Norvège par les adultes du charançon du pin blanc où ils se sont nourris et ont pondu leurs œufs.
Thérèse Arcand
Aspect typique d'une pousse terminale morte d'épinette de Norvège infestée par le charançon du pin blanc.
Marc Bolduc
Aspect typique d'une pousse terminale morte d'épinette infestée par le charançon du pin blanc.
Marc Bolduc
Aspect typique d’une pousse terminale morte d’un pin blanc infesté par le charançon du pin blanc.
Jean-Pierre Bérubé
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